Non à la collaboration des classes !

A bas les attaques contre les retraites !
Pour une contre-offensive ouvrière !

La « réforme » des retraites de Nicolas Sarkozy n’est que la plus récente dans une série de tentatives de la bourgeoisie de restaurer la rentabilité capitaliste en ravageant les programmes de protection sociale et d’autres acquis que la classe ouvrière a obtenus par une lutte acharnée. La réforme des retraites est un enjeu central de la lutte de classes en France depuis 1995, lorsque Jacques Chirac et Alain Juppé ont vainement essayé d’étendre au secteur public des réajustements introduits au secteur privé en 1993. Le projet de Sarkozy de porter l’âge de départ à la retraite de 60 à 62 ans et d’imposer d’autres mesures réactionnaires a déjà provoqué une vague d’opposition significative des travailleurs. Afin de repousser l’attaque du gouvernement et de passer à l’offensive pour reconquérir le terrain perdu, le mouvement ouvrier a besoin d’une direction qui est prête à se battre et qui ne sacrifie pas les intérêts des salariés au nom de l’inviolabilité de la propriété capitaliste.

Mais les leaders du mouvement ouvrier (directions syndicales, partis ouvriers réformistes de masse et même une grande partie de l’« extrême gauche ») ne prétendent guère vouloir se battre contre le patronat jusqu’au bout. Ils s’engagent plutôt dans de diverses formes ouvertes de collaboration des classes, y compris la « concertation » des syndicats avec les patrons et le gouvernement et des manœuvres électorales avec des partis bourgeois « de gauche ».

Tout le monde sait que le Parti socialiste (PS), malgré sa position en faveur de la conservation de l’âge de retraite à 60 ans, n’annulerait pas la réforme de Sarkozy s’il reprenait le pouvoir. Deux de ses principaux candidats à la candidature présidentielle pour 2012, l’ancien premier secrétaire François Hollande et le chef du FMI Dominique Strauss-Kahn, sont respectivement en faveur d’un allongement de la durée de cotisation et d’un report de l’âge de retraite.

Le Front de gauche — le bloc électoral entre le Parti communiste français (PCF), le Parti de Gauche (PG) et Gauche Unitaire (GU) — appelle à la préservation du statu quo. A l’Assemblée nationale le PCF et le PG proposent de financer le système de retraites en augmentant les impôts sur le capital. Christian Picquet de GU, une petite scission de droite du Nouveau Parti anticapitaliste, s’inquiète que cette tiède proposition réformiste soit abandonnée dans la poursuite d’une alliance avec le PS et la très bourgeoise « Europe écologie ». Picquet s’imagine qu’un « nouveau Front populaire » pourrait éviter ce problème :

« Pour permettre au Front de gauche de s’installer durablement dans le paysage politique français, nous devons affirmer nos différences vis-à-vis du PS. La question des retraites est primordiale tout comme celle de la construction européenne. Je suis favorable à un nouveau Front populaire qui tourne le dos aux promesses non tenues par la gauche depuis 1981. La gauche au pouvoir s’est malheureusement toujours soumise aux forces du capitalisme. Nous voulons changer cela et représenter une gauche différente. »
— L’Express.fr, 9 juin 2010

Partant de l’Union de la gauche, une série de fronts populaires (c’est-à-dire des coalitions gouvernantes de partis ouvriers réformistes et de formations ouvertement bourgeoises) ont ouvert la voie à l’offensive de l’austérité capitaliste vécue aujourd’hui.



La bureaucratie syndicale prépare la contre-réforme

La réforme de Sarkozy a été précédée par des mois de « concertation » entre les leaders syndicaux et des représentants du gouvernement et du patronat dont la seule utilité fut de donner un vernis de légitimité aux capitalistes dans leurs attaques contre la classe ouvrière. Les bureaucrates syndicaux espèrent une fois de plus dissiper la colère et la frustration de leur base avec la tactique habituelle des « journées d’action » étalées. Bien que la bureaucratie n’ait aucune intention qu’elles deviennent une réelle menace pour la bourgeoisie, ces mobilisations permettent aux révolutionnaires d’y intervenir et de gagner une audience parmi les éléments les plus politiquement conscients de la classe ouvrière.

La CGT, dont la direction ces dernières années est devenue plus ouvertement « réformiste » en présentant la centrale comme un syndicat de « proposition » plutôt que d’ « opposition », continue d’occuper une position stratégique au sein du mouvement ouvrier français. Revendiquant 650 000 adhérents, elle a gagné presque 34 % des voix dans les élections prud’homales de décembre 2008.

En 2003, la direction de la CGT a joué un rôle clé dans le sabotage de l’opposition à la réforme des retraites Raffarin-Fillon, qui avait « aligné » la durée de cotisation des fonctionnaires sur celle du régime général du secteur privé (« réformé » en 1993) en l’augmentant de 37,5 à 40 ans en 2008 avec une augmentation supplémentaire à 41 ans prévue pour 2012. La décision infâme de François Chérèque de soutenir la réforme donna de la CFDT une image de paria et lui fit perdre quelques 80 000 militants. Mais ce sont les leaders de la CGT, la confédération qui est censée être « contestataire », qui ont contribué le plus au sabotage de la riposte. Écartant explicitement l’appel à une grève générale, le secrétaire général de la CGT Bernard Thibault a organisé des journées d’actions échelonnées ainsi qu’un « pique-nique géant » au Trocadéro à Paris, sans oublier de lancer une pétition pour supplier les parlementaires de surseoir au vote du projet de loi. François Fillon, l’auteur de la réforme, a loué l’ « attitude responsable » de Thibault : « En soulignant ainsi l’“opposition raisonnable” de la CGT, “même dans les moments de tensions”, le ministre du travail sait gré à la centrale de Montreuil de s’être évertuée à empêcher la généralisation d’un mouvement qui risquait d’échapper à son contrôle » (Le Monde, 15 juin 2003).

En 2007, l’étape suivante s’est produite avec l’augmentation de la durée de cotisation des régimes spéciaux de la SNCF, du RATP, d’EDF-GDF de 37,5 à 40 ans en 2012 et ensuite à 41 ans en 2016. A la veille des grèves du 14 novembre 2007, Thibault a fait savoir au ministre du travail Xavier Bertrand que la CGT entamerait des négociations par entreprise sur la mise en application de la réforme. Claude Guéant, le porte-parole de l’Elysée, a déclaré que « Bernard Thibault a fait en sorte que la crise puisse se dénouer dès le premier jour du conflit » (Le Monde, 15 novembre 2007). Lorsqu’on lui a demandé si la grève pouvait durer un mois, Thibault a répondu : « Non, ce n’est pas souhaitable. Les grévistes d’aujourd’hui ne souhaitent pas faire la grève un mois. C’est impensable » (Le Monde, 17 novembre 2007).

Au 49e congrès de la CGT en décembre 2009, Thibault a réitéré son assentiment aux réformes de 1993, 2003 et 2007 : « Les 37,5 années de cotisation ce n’est plus la position de la CGT depuis deux congrès » (Le Monde, 12 décembre 2009). La direction de la CGT, comme celle de la CFDT et d’autres confédérations syndicales, s’oppose formellement au report de l’âge de retraite. Dans la réalité, elle n’a aucune intention de résister aux patrons, proposant plutôt « une véritable négociation » en vue de « réécrire » le texte du projet de loi (Le Monde, 1er juillet 2010).

Le 15 février 2010, à la suite d’un « sommet social » avec Sarkozy pour discuter des retraites, la CGT, la CFDT, l’UNSA, la FSU et Solidaires (mais non pas la CFE-CGC et la CFTC conservatrices) ont appelé à une journée d’action nationale le 23 mars, soit peu de temps après le deuxième tour des élections régionales. FO, cherchant à prendre une pose « radicale » en critiquant l’idée de manifestations échelonnées, s’est tenue à l’écart de
l’ « intersyndicale », mais elle a participé quand même à la journée d’action. Pour cette journée les leaders syndicaux n’ont avancé aucun mot d’ordre concret, ne faisant allusion qu’à l’ «  inquiétude sur l’emploi, le pouvoir d’achat et les retraites » (Le Monde, 23 mars 2010). La journée d’action fit descendre dans la rue quelques 800 000 manifestants, significativement moins que les 2-3 millions qui ont participé aux journées d’actions au cours de la première moitié de 2009.

Quand l’intersyndicale a lancé un appel à une mobilisation nationale le Premier mai (un jour férié traditionnel pendant lequel les syndicats manifestent visiblement !), la CFE-CGC s’y est associée, mais FO et la CFTC ont refusé de suivre. Dans l’intervalle, la « concertation » sur la réforme des retraites avait formellement commencé lorsque les cinq confédérations syndicales (CGT, CFDT, FO, CFTC et CFE-CGC) ont rencontré le ministre du travail et le Medef. Tandis que les manifestations du Premier mai n’ont attiré que 350 000 personnes, la journée d’action suivante, le 27 mai, a rassemblé un million de participants. FO a organisé sa propre mobilisation le 15 juin qui a fait descendre des dizaines de milliers de personnes dans les rues de Paris mais a échoué en tant que journée de grèves. Quand l’intersyndicale a programmé la prochaine journée d’action pour le 24 juin, le leader de FO Jean-Claude Mailly s’est plaint : « Nous nous souvenons aussi des manifestations à répétition de 2009, qui ont fini par épuiser les salariés » (Le Monde, 16 juin 2010). Il y avait quelques deux millions de manifestants le 24 juin, et le taux de grève a été plus élevé qu’auparavant. L’intersyndicale, rejointe par FO, a puis fixé le 7 septembre – où l’Assemblé nationale commence à discuter du projet de loi – comme date de la prochaine journée d’action.



L’ « extrême gauche » soutien la bureaucratie syndicale et la collaboration des classes

Le Parti ouvrier indépendant (POI), associé à feu Pierre Lambert, se prononce pour la défense du système de retraites :

« Rien ne doit être touché, ni les 60 ans, ni le niveau du taux de remplacement, ni la durée de cotisation, ni le régime général, ni les régimes particuliers, ni les régimes spéciaux, ni le Code des pensions civiles et militaires : rien de tout cela n’est “négociable”. Quiconque dérogera à ce mandat tournera le dos à l’exigence commune de tous les travailleurs. »
Informations ouvrières, 1eravril 2010

Une partie intégrante de la bureaucratie de FO, le POI a mis de côté ses doutes antérieurs sur les « manifestations disloquées » et « grèves dispersées » organisées par l’intersyndicale quand Mailly a pris le train de l’ « unité » en marche. L’opposition du POI à Sarkozy sur la question des retraites est gorgée de nationalisme « républicain de gauche » :

« Ainsi, le gouvernement se fait l’exécuteur zélé de l’Union européenne et du Fonds monétaire international. Fonds monétaire international qui, dans un rapport consacré à la France et publié le 15 juin (le jour même de l’annonce du plan du gouvernement concernant les retraites !), se félicite “des actions décisives” engagées par le gouvernement pour rétablir “la confiance des marchés”, précisant que “la réforme des retraites et du système de santé doivent constituer la pierre angulaire de la stratégie budgétaire” et appelle le gouvernement français “à résister aux pressions” sur cette question des retraites !
« Derrière tout cela, c’est Obama lui-même qui, aux ordres de la classe capitaliste des États-Unis, n’hésite pas à téléphoner directement à Zapatero, à Merkel, à Sarkozy pour donner ses instructions. »
— Déclaration du BN du POI, 20 juin 2010

Le gouvernement français ne prend pas d’« instructions » de Washington ou de Bruxelles — sa volonté de s’attaquer au niveau de vie des ouvriers est une expression des intérêts de classe de la bourgeoisie française, qui s’appuie sur son propre État impérialiste pour faire respecter sa volonté. La lutte de classe n’est pas une importation de l’étranger !

Lutte ouvrière (LO) évite le nationalisme grossier du POI et se présente comme quelque peu plus critique des chefs syndicaux :

« La plupart des grandes confédérations syndicales ont appelé à faire du Premier mai une journée de lutte pour les revendications. Mais elles n’annoncent rien pour la suite, car leur objectif n’est pas de contraindre le patronat et le gouvernement à reculer. Il est d’obtenir du gouvernement qu’il leur manifeste un peu plus de considération dans les consultations qu’il va organiser pour pouvoir dire que sa “réforme” des retraites se fait en concertation avec les représentants des travailleurs. »
Lutte Ouvrière, 30 avril 2010

Tout en critiquant justement les « journées qui se succèdent selon un rituel qui n’offre jamais de perspective » (Lutte Ouvrière, 2 avril 2010), LO manifeste un vague espoir que leur résultat sera peut-être un regain de radicalisme :

« Il faut que les travailleurs préparent la contre-offensive nécessaire pour récupérer leur dû. Une journée de manifestation n’y suffira pas, mais elle peut être un point de départ. C’est ce que peut être la journée d’action pour les retraites appelée par la CGT et la CFDT le 24 juin. »
Lutte Ouvrière, 11 juin 2010

La perspective attentiste de LO ne va guère plus loin qu’un vœu de voir le gouvernement contraint de modifier ses propositions sur les retraites : « des grèves et des mouvements sociaux allant grandissants, le monde ouvrier peut faire changer les choix des gouvernants » (Lutte Ouvrière, 23 juillet 2010). Le réformisme éculé qui caractérise tant l’activité quotidienne de LO est reflété dans son hebdomadaire ayant pour cible les travailleurs, tandis que sa revue théorique cherche à se donner une image quelque peu plus « révolutionnaire » : « Ce n’est pas seulement le projet de loi du gouvernement, ni la réforme des retraites en général, qu’il faut combattre. C’est la perspective communiste qu’il faut leur opposer » (Lutte de Classe, juillet 2010).

Le Nouveau Parti anticapitaliste (NPA), qui se lamente de l’ « absence de perspective de construction d’une mobilisation durable » de la part de l’intersyndicale (Tout est à nous, 25 mars 2010), reprend la politique de LO en soutenant les journées d’action dans l’espoir que, d’une manière ou d’une autre, elles se développeront spontanément dans une direction plus militante. Ceci est parfaitement conforme à la volonté du NPA de renoncer à combattre la bureaucratie de la CGT pour le contrôle du syndicat (voir « NPA : Nouveau Parti réformiste » ailleurs dans ce numéro).

Dans le même temps, le NPA cherche à séduire les couches les plus militantes de la classe ouvrière en appelant à une « grève générale » pour stopper l’attaque contre les retraites. Mais il associe cet appel à des suggestions adressées au gouvernement pour qu’il envisage d’autres éventualités :

« d’autres choix sont possibles pour maintenir la retraite à 60 ans maximum et à taux plein mais aussi pour revenir à 37,5 annuités pour tous et toutes avec prise en compte des années d’études et de formation. Il suffit par exemple d’augmenter de 300 euros net les salaires sans exonération de cotisations patronales, ce qui rapporterait environ 50 milliards dans les caisses de la Sécurité sociale. D’en finir avec le chômage en réduisant massivement le temps de travail. S’il n’y avait pas 5 millions de chômeurs mais 5 millions de cotisants supplémentaires, personne ne parlerait de problème des retraites. La question des retraites n’est ni démographique ni technique c’est une question de répartition des richesses, de choix politique. »
Tout est à nous, 24 juin 2010

La direction du NPA ne mène pas une campagne sérieuse pour une grève générale – une perspective qui impliquerait une confrontation aiguë avec la bureaucratie syndicale et les machines politiques réformistes. Elle se concentre plutôt sur de petites manœuvres de collaboration des classes avec des partenaires électoraux potentiels. En avril le leader du NPA Olivier Besancenot a signé un appel (« Faire entendre les exigences citoyennes sur les retraites ») lancé par les petits-bourgeois de la Fondation Copernic et d’Attac, consciencieusement paraphé ensuite par divers bureaucrates syndicaux (CGT, FSU et Solidaires) ainsi que par des représentants du PS, du PCF, du PG, mais aussi par les Verts, un parti bourgeois. Le document prônait « une vaste mobilisation citoyenne » pour un « choix politique » alternatif :

« Il est donc juste d’augmenter la part des salaires et des pensions dans la richesse produite en s’attaquant aux profits. Le financement des retraites est possible à condition d’en finir avec l’actuel partage éhonté de la richesse au bénéfice des revenus financiers. C’est ce partage qui constitue le tabou à faire sauter, et non l’âge de départ. Il s’agit là d’un choix politique de justice et de solidarité. »

Cette rêverie social-démocrate a été célébrée par le NPA comme « une base solide pour créer partout des structures de mobilisation unitaires » (Tout est à nous, 15 avril 2010). En réalité, la seule « base solide » que pourrait fournir de tels blocs entre classes est celle d’un futur front populaire servant à ensevelir les luttes des travailleurs.

En juin Besancenot a signé avec les représentants de ces mêmes organisations une autre déclaration professant que :

« La répartition des revenus dans notre pays a, depuis un quart de siècle, tourné à l’avantage décisif des actionnaires et des très hauts salariés managers. Une simple application du taux de cotisation patronale aux dividendes distribués comblerait immédiatement tout le déficit actuel de la Caisse nationale d’assurance-vieillesse. »
Le Monde, 15 juin 2010

La déclaration déplore aussi le refus du gouvernement « de reconsidérer la place du travail dans notre société ». L’avidité de la direction du NPA à participer avec d’anciens membres de la Gauche Plurielle à la promotion d’illusions réformistes dans le cadre de l’activité parlementaire afin de mener à des améliorations spectaculaires pour « notre société » et « notre pays » est une déclaration sans équivoque de son caractère essentiellement social-démocrate.



Réforme ou révolution ?

Des millions de travailleurs comprennent la nécessité de repousser l’attaque gouvernementale contre les retraites. Beaucoup d’entre eux savent que cette tâche modeste subie le sabotage des bureaucraties syndicales avec le soutien plus ou moins ouvert de leurs compléments politiques dans les partis ouvriers réformistes, y compris le NPA et d’autres organisations de taille de l’ « extrême gauche ». La bureaucratie syndicale ne fait même pas semblant de mobiliser sa base pour une lutte de masse afin de forcer le retrait du projet de loi. Si les travailleurs veulent offrir une résistance sérieuse, il leur faut commencer par contester la mainmise bureaucratique de la lutte. Pour ce faire, une mesure importante serait l’élection des comités de grèves par les travailleurs se réunissant en assemblés générales sur leurs lieux de travail. Coordonnés aux niveaux locaux, régionaux et nationaux, ces comités de grève pourraient fournir un cadre de lutte dans lequel des militants lutte de classe pourraient contester efficacement le sabotage des bureaucrates.

L’attaque contre les retraites est le fer de lance d’un assaut généralisé contre le niveau de vie des travailleurs et exige donc une réponse généralisée : la grève générale. Le but immédiat autour duquel il faut mobiliser un soutien de masse est sans doute la nécessité d’infliger à Sarkozy une défaite cuisante sur la réforme des retraites. Les révolutionnaires cherchent à intervenir dans une telle lutte, armés d’un programme traitant d’autres problèmes essentiels auxquels les salariés font face — y compris le besoin urgent de combattre le chômage avec une semaine de travail plus courte, sans baisse de salaire, et un programme massif de travaux publics.

Un noyau révolutionnaire au sein des syndicats prêt à initier une réponse puissante aux attaques des patrons gagnerait inévitablement le soutien des secteurs les plus militants de la classe ouvrière et ainsi transformerait l’équation politique tout entière. Si Thibault et compagnie continuent de garder le contrôle des mobilisations, les capitalistes dormiront tranquilles. Et les conséquences de tout recul seront sans doute particulièrement graves dans la période actuelle où l’ordre capitaliste mondial est prêt à tomber dans une banqueroute généralisée : encore plus de licenciements, de chômage entraînant la dissolution de secteurs importants du prolétariat.

Une direction combative de la classe ouvrière ne peut être forgée qu’au travers une lutte politique intransigeante pour une rupture avec la collaboration des classes et le réformisme avancés par la bureaucratie syndicale et les partis de la « gauche » ou de l’ « extrême gauche ». De même que les attaques capitalistes contre la classe ouvrière découlent de la logique de la maximisation du profit, l’intérêt objectif des travailleurs ne peut être satisfait qu’en renversant le système d’esclavage salarié et en collectivisant les moyens de production. Cette vérité fondamentale est refusée par divers courants de gauche sous prétexte que des étapes intermédiaires et des réformes accessoires soient les moyens les plus « pratiques » pour développer une conscience « anticapitaliste ». Il y a plus d’un siècle Rosa Luxemburg a réfuté de telles notions :

Quiconque se prononce en faveur de la réforme légale, au lieu et à l’encontre de la conquête du pouvoir politique et de la révolution sociale, ne choisit pas en réalité une voie plus paisible, plus sûre et plus lente conduisant au même but ; il a en vue un but différent : au lieu de l’instauration d’une société nouvelle, il se contente de modifications superficielles apportées à l’ancienne société. Ainsi les thèses politiques du révisionnisme conduisent-elles à la même conclusion que ses théories économiques. Elles ne visent pas, au fond, à réaliser l’ordre socialiste, mais à réformer l’ordre capitaliste, elles ne cherchent pas à abolir le système du salariat, mais à doser ou à atténuer l’exploitation, en un mot elles veulent supprimer les abus du capitalisme et non le capitalisme lui-même. »
Réforme sociale ou révolution ?

La renaissance d’un pôle véritablement révolutionnaire au sein de la classe ouvrière exige la cristallisation d’un cadre de militants capables de faire rupture une fois pour toutes avec l’illusion que les intérêts des travailleurs puissent être représentés par une alliance avec une aile de la bourgeoisie. La Tendance bolchévique internationale souhaite rencontrer des camarades dans sa volonté de créer le noyau d’une organisation authentiquement trotskyste vouée au combat tant à l’intérieur qu’à l’extérieur des syndicats sur un programme de lutte de classe révolutionnaire basé sur une reconnaissance de la nécessité d’écraser l’État capitaliste, d’exproprier la bourgeoisie et de renverser le système de la production pour le profit.