Rassemblement Le Pen avorté à Montréal: Non au fascisme!Le 22 septembre 1993, les camarades de la Tendance bolchévique internationale ont participé dans un rassemblement antifasciste important à Montréal. La manifestation était une réponse à une tentative par les fascistes locaux dorganiser un rassemblement public pour donner la parole à Jean-Yves Le Gallou, un dirigeant du Front national de Jean Marie Le Pen (qui était à Montréal pour assister à une conférence internationale des autorités municipales). Confrontés avec une manifestation de plus dun millier de militants, les fascistes ont décidé dannuler leur provocation. Plus tôt le jour même il y avait eu un échange de récriminations amères entre les partisans de Le Pen et les voyous locaux du Ku Klux Klan. Michel Larocque, le soi-disant Sorcier Impérial du KKK au Québec, a dénoncé les membre du Front comme « traîtres bourgeois » et sest plaint que: « Lorsquil démarrait en France le Front national devait compter sur les bras forts comme nous pour faire son travail. Maintenant quils sont devenus plus grands, ils essaient de se dissocier des gens comme nous ». Le même article a rapporté aussi que: « plus tard il (Larocque) a dit à une demi-douzaine de partisans du Klan: Je nai pas caché qui je suis. Je ne comprends pas pourquoi il (Le Gallou) essaie de cacher qui il est... Larocque a dit quil était fâché parce que lui et ses associés racistes avaient été invites par Roger Alacoque, le représentant du Front national au Québec, pour fournir une sécurité à la conférence de presse seulement pour y être dénoncés par les autres membres du Front ». [notre traduction] Le Front national (FN) est la plus grande et la plus « respectable » organisation ultra droitière dans le monde aujourdhui. Cest une bonne chose que sa tentative initiale détablir une tête de pont en Amérique du nord a été bloquée. La manifestation du 22 septembre était par conséquent une victoire pour la gauche et pour toutes les victimes potentielles des fascistes, mais il était une victoire très limitée, et a été gagnée en dépit de la direction politique de la Coalition contre la présence du Front national et la montée de lextrême droite (un regroupement dorganisations communautaires, étudiantes, anti-racistes, de gauche et libérales) qui avait lancé à maintes reprises des appels à lEtat capitaliste de prendre linitiative contre les fascistes. « Groupe antiraciste veut que Doré arrête la visite ici dun politicien dextrême droite » annonçait la manchette du journal montréalais la Gazette du 24 août. Lédition de ce journal du 18 septembre, dans un article intitulé « Doré félicité pour sa décision dexclure le droitier (lepéniste) » note que « Heather Howard, de la Coalition pour contrecarrer le Front national au Canada (sic), a félicité (le maire de Montréal, Jean) Doré pour sa décision dexclure Le Gallou de la réception », décrite dans le même article un peu plus loin comme « une réception chic le mercredi à lHôtel de ville » que la ville a donné pour les invités et les délégués de la Conférence Métropolis 93 à Montréal. Cocktail antifasciste. . .Howard nétait pas la seule à féliciter le maire pour avoir rabroué le FN. Lexposé du maire Jean Doré dans lédition doctobre 1993 de Socialist Worker, publié par les International Socialists [(IS)-affilié au Socialist Workers Party britannique de Tony Cliff], lit comme sil avait été écrit par un agent publicitaire de la ville de Montréal:
Quel recul cruel pour le Front national! Ses représentants nont pas été invités au cocktail du maire! Quel radotage dans les pages dun journal soi-disant révolutionnaire! Quel impudique éloge pour les sympathies « antiracistes » du maire de Montréal! En théorie, Socialist Worker consentirait probablement que quiconque veuille vraiment « combattre toute manifestation de racisme » à Montréal pourrait commencer avec les forces policières brutales, racistes, le doigt sur la gâchette qui suit les ordres du maire « antiraciste ». Ces mêmes forces policières avaient, juste peu après la publication de larticle cité, impunément et impitoyablement matraqué des citoyens aînés lors dune manifestation communautaire pacifique au nord de Montréal contre les politiques environnementales de la ville. Quelques jours plus tard les policiers montréalais ont, sous le prétexte denquêter un vol, battu des militant noirs lors dune réunion paisible au Centre Communautaire de Petit Bourgogne du groupe AKAX, groupe noir reconnu pour ses activités militantes, qui lui na pas hésité à livrer une dénonciation du maire « antiraciste » et de la brutalité policière raciste de ses hommes. Et la liste continue. Mais cette notion na pas, semble-t-il, trouvé sa place dans larticle de Socialist Worker. Et lexposé du maire semble avoir oublié un autre de ses discours récents, publié par contre dans les quotidiens montréalais, où Doré caractérisait les cols bleus municipaux de Montréal comme des « martiens » pour avoir refusé daccepter un gel de salaire. Le 13 septembre 1993, ces mêmes cols bleus avaient rendu visite à lHôtel de ville de Montréal afin de porter plainte contre les politiques salariales du maire, mais ont trouvé les portes fermées à clé. Afin denregistrer leur protestation, ils ont été obligés douvrir un passage avec un bélier. Certains de leurs dirigeants ont été chargés depuis avec une variété de méfaits, et ont été invités, non au cocktail du maire, mais aux cellules de prison. Ceci est le genre de militantisme ouvrier que les révolutionnaires veulent introduire dans la lutte contre les fascistes, mais il paraît que les International Socialists ont de la difficulté à identifier la ligne de démarcation de classe. Leur présentation si élogieuse de Doré suggère quils considèrent que la critique de ce politicien capitaliste anti-ouvrier pourrait diviser les forces « progressistes ». Au lieu dexposer la contradiction entre la charade de l « opposition » de Doré au FN en même temps que la police de Montréal a été assignée pour protéger le rassemblement fasciste, Socialist Worker a réimprimé ses déclarations de bonne foi pour combattre le racisme sans critique. Les autres groupes de gauche dans la coalition (la Ligue communiste (affiliée au SWP américain), Mobilisation et Action Socialiste), qui eux aussi ont accepté faire appel à lEtat pour interdire le FN, étaient au moins capables de résister à la tentation dapplaudir le maire. [Subséquent à notre critique publiée dans lédition anglaise de 1917, et sans doute sous la pression de sa propre base contre la présentation du gouvernement municipal de Montréal en les termes si enthousiastes, Socialist Worker a publié une rétractation dans sa prochaine éditionNDLR] ...ou mobilisations ouvrières unitaires?Lobjectif des marxistes dans le travail antifasciste doit être de mobiliser le pouvoir de la classe ouvrière et les opprimés contre les pogroms racistes. Ceci ne peut pas être réalisé par lembellissement des ennemis de la classe ouvrière. La tactique de flatter et de pressurer alternativement ladministration Doré poursuivie par la coalition anti-FN nétait pas une qui plaisait beaucoup aux travailleurs militants engagés dans une lutte de classe dure avec « son Honneur » le maire. Tout comme la minorité noire et la jeunesse confrontée à la brutalité policière habituelle, ces travailleurs voient les autorités civiques comme leurs ennemis, non comme leurs amis ou alliés. La tentative de construire « lunité antifasciste large » avec les éléments de la classe dominante est une prescription pour la défaite. Ces soi-disant révolutionnaires qui mettent plus de valeur sur la construction dun « mouvement de masse » que sur la promotion des politiques révolutionnaires à lintérieur du mouvement, habituellement se découvrent installant les chaises et les microphones pour les gens procapitalistes auxquels ils sopposent ostensiblement. Ceci est exactement ce qui sest arrivé au rassemblement du 22 septembre, lorsque la porte-parole de la coalition a vainement lancé un appel pour quun représentant de lorganisation sioniste BNai Brith vienne au microphone. Mais BNai Brith, qui mets sa confiance dans le maire Doré et ses flics, sétait publiquement dissocié de la manifestation à lavance, et a refusé de sadresser à la foule. Bien sûr aucun des groupes « révolutionnaires » dans la coalition navait quoi que ce soit à direils étaient tous trop deffrayés quune mention du socialisme pourrait aliéner les libéraux quils ont voulu attirer. Cette capitulation politique abjecte au libéralisme doit paraître un peu incongru aux militants dAction Socialiste (AS) qui prennent leurs politiques sérieusement. Depuis plus dun an, AS a vigoureusement défendu les politiques du PCP, une organisation maoïste autrement connue sous le nom Sendero Luminoso (sentier lumineux). AS défendait, entre autres, les politiques senderistas dassassinat des libéraux péruviens (aussi bien que ceux des dirigeants syndicaux, des travailleurs sociaux et des militants de gauche rivaux). A Montréal, par contre, ces partisans senderistas travaillent selon des lignes différentes. Ici il nest pas question dabattre les réformistes, mais seulement de lutter contre leur influence auprès des masses. Combattre le réformisme et les illusions dans lEtat va bien en théorie, mais à présent AS voit apparemment son travail comme celui « délargir » le mouvement en limitant ses politiques à celles que les libéraux trouvent tolérables. Dans le mouvement marxiste cette approche sappelle le liquidationnisme. Les révolutionnaires ne sont pas sectaires. Nous ne rejetons nullement les luttes concrètes du moment, mais nous ne sommes pas préparés à devenir les « meilleurs constructeurs » de, ou de prendre une responsabilité politique pour, des formations qui prêchent la confiance dans lEtat contre la menace mortelle du fascisme. LInternationale communiste, sous la direction de Lénine et Trotsky, a développé la tactique du front uni comme un moyen pour les révolutionnaires de vaincre de telles contradictions et de réaliser lunité de principe avec les autres forces dans la poursuite des objectifs communs et pratiques. « Marchez séparément, frappez ensemble » était le mot dordre de front uni du Comintern: chaque organisation retenait le droit daffirmer son propre programme (y compris le droit de critiquer ses partenaires) tout en réunissant leurs forces pour mener des actions communes. Malheureusement les initiateurs de la manifestation du 22 septembre, y compris les révolutionnaires ostensibles parmi eux, ont choisit dorganiser sur la base du dénominateur commun le plus bas, et ont fini en sadaptant aux illusions des éléments les moins militants dans la coalition. Réimprimé en dessous est le texte du tract distribué par la Tendance bolchévique internationale au rassemblement anti-FN à Montréal le 22 septembre 1993. Le 22 septembre à Montréal, le Front national (FN) raciste et xénophobe de Jean-Marie Le Pen prévoit faire sa première apparence publique en Amérique du nord. Jean-Yves Le Gallou, un cadre dirigeant du Front national, décrit par la Gazette de Montréal comme étant « la main droite » de Le Pen, est annoncé en tant quorateur invité. Les travailleurs et travailleuses et tous ceux menacés par la terreur fasciste (les femmes, les juifs, les asiatiques, les noirs, les gais et les lesbiennes, les immigrés, les amérindiens et la gauche) doivent répondre à cette provocation par une contre-mobilisation massive et militante. Le meilleur temps daffronter les fascistes est maintenant, avant quils puissent croître. La réunion du FN est organisée par Roger Alacoque, le dirigeant du « Cercle national des Français résidants à létranger », un groupe local de partisans de Le Pen. Alacoque se dit copain de Michel Larocque, le dirigeant québécois du Ku Klux Klan, dont les attaques violentes de ce dernier contre la jeunesse immigrée, les gais et la gauche sont notoires. Alacoque décrit Larocque comme un « bon garçon » et un « allié occasionnel », mais, comme Le Pen, il aspire daller au-delà des limites de lactivité politique « lumpen » et dintroduire sa plate-forme dextrême droite au sein du discours politique bourgeois « respectable ». Alacoque est membre depuis 1984 du Parti Libéral du Québec gouvernant. Se servant de la plate-forme de lassociation libérale du comté dOrford, il décrit le Québec comme étant la « poubelle du Tiers Monde », et fait appel pour des contrôles plus serrés sur limmigration non blanche. Le député Libéral local dAlacoque, Robert Benoît, défend ouvertement ses partisans fascistes sous le prétexte que, « Le Parti Libéral a toujours été un vaste regroupement de points de vue différents » (Gazette, le 26 août 1993). Les autorités de la Communauté Urbaine de Montréal (CUM), prennent une attitude bénigne semblable envers les fascistes, et ils ont ordonné aux flics de protéger la réunion du 22 septembre. Entre-temps, les militants antiracistes, organisés dans la « Coalition contre la présence du Front national et la montée de lextrême droite » ont, daprès les rapports des journaux, lancé des appels à Michel Hamelin, le président de la CUM, dinterdire la tenue de la réunion de Le Gallou. Bien que lappel aux autorités dinterdire lassemblée du FN nait pas été proprement dit soutenu par les groupes de gauche au sein de la coalition, aucun, à notre connaissance, la ouvertement désavoué. Faire appel aux autorités municipales dinterdire les fascistes peut paraître une tactique intelligente à quelques-uns, mais compter sur lEtat bourgeois démocratique crée des illusions dangereuses. LEtat nest pas neutreil est loutil des nos souverains capitalistes. Les interdictions politiques sont inévitablement utilisées bien plus agressivement contre les antifascistes et la gauche que contre la droite. Les droits et les libertés démocratiques sont choses merveilleuses, mais la fonction de lEtat, et de ses voyous armés, est essentiellement de sauvegarder la propriété privée. Le fascisme: lavant-garde de la réactionLa victoire de la contre-révolution capitaliste dans lancien bloc soviétique na produit ni les libertés démocratiques ni les avantages économiques que les propagandistes capitalistes avaient promis. Au contraire, les niveaux de vie ont chuté et il y a eu une explosion dethnocide, de xénophobie et de tout genre de réaction sociale. Enhardie par le triomphe de limpérialisme, lextrême droite monte partout en Europe. Dans un pays après lautre, les terroristes fascistes lancent des attaques meurtrières contre les travailleurs et les travailleuses immigrés, les minorités ethniques, les gais et la gauche, tandis que les autorités étatiques et policières observent tout ceci tranquillement et complaisamment. Lorsque lUnion soviétique existait, les capitalistes avaient trouvé avantageux doffrir un « filet » de sécurité sociale à quelques-uns des victimes de leur économie commandée par le soif de profit. Aujourdhui, avec la « menace communiste » vaincue et la classe ouvrière qui battre une retraite, ces programmes sont systématiquement démantelés tandis que les rangs des sans-abri et des chômeurs gonflent. Le patronat attaque agressivement les salaires et les conditions de travail des ouvriers, tandis que les luttes ouvrières, de minorités ethniques et/ou raciales, dimmigrés et de chômeurs rencontrent de plus en plus de répression. Dans ce nouvel ordre mondial, où lidée même du socialisme a été prononcée mort et toute aspiration pour un ordre social international humain et égalitaire est censée être enterrée, la réaction et loppression règnent suprême. Les ouvriers, forcés de quitter leurs pays à la recherche dune meilleure vie, sont criminalisés et sont poursuivis sans pitié par lappareil répressif de lEtat. Les immigrés sont devenus les boucs émissaires pour lirrationalité du cycle daffaire capitaliste. Les ouvriers, conscients de leurs intérêts de classe au Québec et ailleurs dans le monde « développé », doivent sopposer fermement à lhystérie xénophobe de leurs bourgeoisies et lutter pour les droits de citoyenneté pleins et égaux pour tous les immigrés. Les groupes racistes et fascistes tels que le Heritage Front, White Power (pouvoir blanc), le Ku Klux Klan et le Front national de Le Pen cherchent à servir comme le « fer de lance » de loffensive bourgeoise, soit comme surveillants et service dordre volontaire ou comme auxiliaires aux corps armés de lEtat bourgeois. Leurs attaques contre les homosexuels, les minorités raciales et ethniques, les immigrés, les réfugiés et les autres victimes de loppression capitaliste visent à galvaniser et à faire dévier la colère des couches arriérées de la classe ouvrière, des lumpens et de petits entrepreneurs ruinés, qui eux-mêmes ont été écrasés sous les roues de « la libre entreprise ». Les bureaucrates syndicaux aveugles au danger fascisteAu lieu de sorganiser afin de balayer les fascistes des rues de Montréal, les nationalistes qui dirigent le puissant mouvement syndical au Québec ont aidé à créer un climat politique dans lequel les groupes fascistes peuvent croître. Las faux dirigeants syndicaux sont tout à fait disposés à sunir avec les xénophobes et les démagogues dun « Québec français » à la défense de la langue française supposément « menacée » par les immigrés. Les partisans de Le Pen cherchent consciemment à recruter les ultra-nationalistes francophones dans le but de créer une bande de voyous et un cadre de briseurs de grève aguerris qui sera lâché finalement contre le mouvement ouvrier organisé. Lélite culturelle du Québec des années 1930 et 1940 débordait dantisémites et de sympathisants fascistes. Des organisations telles que Jeune Canada et Action National avaient une audience large, et le Théâtre Monument National sur le boulevard St. Laurentpossédé autrefois par la Société St. Jean Baptiste réactionnaireétait larène pour les rodomontades racistes et délirantes de Lionel Groulx et du dirigeant fasciste québécois, Adrien Arcand. Les démagogues racistes tels que Groulx sont encore révérés et honorés par lélite politique québécoise actuelle, les enfants sont toujours obligés de prononcer son nom avec respect, et les autorités municipales de Montréal ont même donné son nom à une station de métro. La gauche indépendantiste, telle que Gauche Socialiste, préfère minimiser la signification politique actuelle de ces vieux porte-paroles du nationalisme québécois, mais le fait demeure que la bureaucratie syndicale se trouve dans un bloc politique avec les héritiers politiques de Groulx, et non avec Gauche Socialiste. Les partisans fascistes de Le Pen dans le Cercle national ne sont pas un groupe de théoriciens sociaux à tendance légèrement oblique, excentrique ou arriérée. Le leur nest pas un groupe de discussion littéraire. Ils cherchent à recruter une avant-garde de la réaction à travers des attaques terroristes contre les secteurs les plus vulnérables et isolés des opprimés. Ils veulent construire un mouvement engagé à organiser des attaques contre le mouvement ouvrier et les opprimés sur une échelle beaucoup plus grande à lavenir. La réunion du FN du 22 septembre est une tentative par les fascistes de tester les eaux politiques à Montréal. Sils réussissent, leur activité augmentera, les éléments vacillants vont sencourager et vont joindre leurs rangs, et il sera plus difficile de les arrêter la prochaine fois. Ecraser les fascistes avant quils puissent croître est une question dautodéfense élémentaire. Cette tâche ne peut pas être laissée à lEtat bourgeois démocratique, dont ses représentants ont été historiquement beaucoup plus complaisants envers les fascistes quenvers leurs adversaires. Lunité dans laction par la gauche, par les organisations des opprimés et des syndicats militants peut infliger une défaite écrasante au mouvement fasciste naissant au Québec. |