Pour le trotskysme!Ce document (traduit en français de 1917, no. 3, édition de langue anglaise) spécifie les positions politiques fondamentales sur lesquelles la Quatrième Internationale était établie. En même temps, il adresse aux questions qui distinguent les trotskystes authentiques des prétendants centristes dans le mouvement ouvrier international aujourdhui. « Pour le trotskysme! » a été originalement rédigé en octobre 1986 par la Tendance bolchévique (TB) comme le document principal pour une fusion avec la Left Trotskyist Tendency (LTT), une scission gauche de la section américaine de feu Nahuel Moreno, lInternational Workers Party (IWP). Il était ultérieurement adopté à la conférence de fusion de la TB et la LTT en novembre 1986 comme une codification de laccord programmatique entre les deux organisations. 1. Le parti et le programme
La classe ouvrière est la seule classe véritablement révolutionnaire dans la société moderne, la seule classe capable de mettre fin à la folie de lhégémonie capitaliste à léchelle internationale. La tâche fondamentale de lavant-garde communiste est dinculquer à la classe (particulièrement à sa composante la plus importante, le prolétariat industriel) la conscience de son rôle historique. Nous rejetons explicitement tous les stratagèmes avancés par les centristes, les réformistes, les contre-culturels et les sectoralistes qui considèrent les divers composants non-prolétariens de la population comme véhicules plus probables du progrès social. La libération du prolétariat, et avec elle lélimination de la base matérielle de toutes les formes doppression sociale, dépend de la question de direction. La panoplie des directions « socialistes » potentielles en dernière analyse est réduite à deux programmes: réforme ou révolution. Prétendant offrir une stratégie « pratique » pour lamélioration graduelle des iniquités de la société de classes, le réformisme réconcilie en fait la classe ouvrière aux besoins du capital. Le marxisme révolutionnaire, par contre, basé sur lantagonisme fondamental entre le capital et le travail, vise lexpropriation de la bourgeoisie par le prolétariat comme condition préalable de tout progrès significatif. Lhégémonie des diverses formes de lidéologie bourgeoise au sein du prolétariat représente la défense la plus puissante du capitalisme. Comme a noté James P. Cannon, le chef consacré du trotskysme américain, dans The First Ten Years of American Communism: « La force du capitalisme nest pas inhérente et ne dépend pas de ses propres institutions; le capitalisme survit seulement parce quil trouve des appuis au sein des organisations ouvrières. On constate maintenant, à la lumière de la révolution russe et de ses suites, que les neuf dixièmes de la lutte pour le socialisme sont la lutte contre linfluence bourgeoisie dans les organisations ouvrières, y compris le parti ». [notre traduction] La différence fondamentale entre une organisation révolutionnaire et des organisations centristes ou réformistes nest pas tant dans les déclarations abstraites des buts et des objectifs proposés mais dans les positions quelles adoptent dans les situations concrètes de la lutte de classe. Les réformistes et les centristes ajustent leurs positions à chaque événement nouveau de façon à répondre aux attentes, aux illusions et aux préjugés de leur public. Mais le rôle dun révolutionnaire est de dire aux travailleurs et aux opprimés ce quils ne savent pas déjà. « Le programme doit formuler les tâches objectives de la classe ouvrière et non pas de sadapter à létat arriéré de la classe ouvrière. Il doit refléter la société telle quelle est et non pas létat arriéré du prolétariat. Cest un instrument pour surmonter et vaincre létat arriéré... Nous ne pouvons pas remettre à plus tard, modifier des conditions qui ne dépendent pas de nous. Nous ne pouvons pas garantir que les masses résoudront la crise, mais nous devons décrire la situation telle quelle existe, et cest là le rôle du programme ». Nous cherchons à enraciner le programme communiste dans la classe ouvrière en instituant des groupes de travail, basés sur notre programme, à lintérieur des syndicats. Ces groupes doivent participer activement à toutes les luttes pour la réforme partielle et lamélioration de la condition des ouvriers. Ils doivent être aussi les meilleurs défenseurs des traditions militantes de la solidarité de classe, par exemple, le principe voulant qu « on ne traverse pas les piquets de grève! » En même temps le groupe doit chercher à recruter les ouvriers les plus conscients à une perspective mondiale dépassant un simple activisme paroissial, en posant les questions politiques brûlantes de façon à mettre en évidence la nécessité déliminer la production anarchique, et de la remplacer par la production rationnelle, planifiée pour le besoin humain. Notre intervention dans les organisations de masse du prolétariat est basée sur le Programme de Transition, adopté par le congrès fondateur de la Quatrième Internationale en 1938. Dans un certain sens, il ne peut pas y avoir telle chose quun « programme fini » pour les marxistes. Il faut tenir compte des développements historiques des cinq décennies passées et le besoin de poser les problèmes, soulevés par les luttes spécifiques de secteurs de classe et/ou dopprimés, qui sont inachevés dans le programme de 1938. Néanmoins, pour lessentiel, le programme sur lequel la Quatrième Internationale a été fondée garde toute son acuité parce quil propose les solutions socialistes aux problèmes objectifs auxquels la classe ouvrière se trouve confrontée aujourdhui, dans un contexte permanent posant la nécessité du pouvoir prolétarien. 2. La révolution permanenteAu cours des cinq derniers siècles le capitalisme a créé un seul ordre économique mondial avec une division internationale du travail. Nous vivons à lépoque de limpérialismeépoque du déclin capitaliste. Lexpérience de ce siècle a démontré que les bourgeoisies nationales du monde néo-colonial sont incapables de compléter les tâches historiques de la révolution bourgeoise démocratique. Il ny a pas, en général, de voie de développement capitaliste indépendant ouvert à ces pays. Dans les pays néo-coloniaux les acquis des révolutions bourgeoises classiques ne peuvent être introduits quen brisant les rapports de propriété capitaliste, en coupant les tentacules du marché mondial impérialiste et en établissant la propriété prolétarienne, cest-à-dire, collective. Il ny a que la révolution socialisteune révolution menée contre la bourgeoisie nationale et les grands propriétaires fonciersqui puisse engendrer une expansion qualitative des forces productives. Nous rejetons la stratégie stalinienne/menchévique « étapiste » visant la subordination du prolétariat aux secteurs dits « progressistes » de la bourgeoisie. Nous revendiquons lindépendance politique complète et inconditionnelle du prolétariat partout à travers le monde. Sans exception, les bourgeoisies nationales du « Tiers-Monde » agissent en tant quagents de la domination impérialiste, dont les intérêts sont, dans un sens historique, bien plus étroitement liés aux banquiers et aux fabricants de la métropole quà leurs propres peuples exploités. Les trotskystes offrent le soutien militaire, mais non le soutien politique, aux mouvements nationalistes petits-bourgeois (et même aux régimes bourgeois) qui entrent en conflit avec limpérialisme pour la défense de la souveraineté nationale. En 1935, par exemple, les trotskystes ont revendiqué la victoire militaire des Éthiopiens contre les envahisseurs italiens. Toutefois, les léninistes ne déterminent pas automatiquement leur position, par rapport à une guerre entre deux régimes bourgeois, à partir du niveau relatif du développement (ou du sous-développement) de chacun. Dans la sordide Guerre de Malouines de 1982, où la défense de la souveraineté argentine na jamais été mise en cause, les léninistes ont fait appel aux ouvriers britanniques et argentins de « tournez leurs armes contre leurs propres officiers »le défaitisme révolutionnaire des deux côtés. 3. La guérillaNotre stratégie révolutionnaire vise linsurrection des masses prolétariennes. Nous rejetons la guérilla en tant quorientation stratégique (bien que nous reconnaissions que la guérilla a quelquefois une valeur tactique) parce quelle relègue la classe ouvrière organisée, politiquement consciente, au rôle dun spectateur passif. Un mouvement paysan de guérilleros, dirigé par des radicaux, ne peut pas établir le pouvoir politique de la classe ouvrière, peu importe les intentions subjectives de sa direction. A plusieurs occasions, depuis la fin de la Deuxième guerre mondiale, il a été démontré que des mouvements semblables peuvent déraciner la propriété capitaliste avec succès lorsque les circonstances sont objectivement favorables. Néanmoins, parce que ces mouvements ne sont pas basés sur la mobilisation de la classe ouvrière organisée, le meilleur dénouement de pareilles luttes est létablissement dun régime nationaliste et bureaucratique, qualitativement identique au produit de la dégénérescence stalinienne de la Révolution russe (cest le cas de la Yougoslavie, de lAlbanie, de la Chine, du Vietnam et de Cuba). Ces « Etats ouvriers déformés » exigent des révolutions politiques prolétariennes supplémentaires afin douvrir la voie au développement socialiste. 4. Loppression spéciale: la question noire, la question femmeLa classe ouvrière aujourdhui est profondément divisée selon les lignes raciales, sexuelles, nationales et autres. Mais le racisme, le chauvinisme national et le sexisme sont des formes de comportement socialement, mais non génétiquement, déterminées. Peu importe leur niveau actuel de conscience sociale, les ouvriers du monde ont quelque chose en commun: ils ne peuvent pas améliorer leur situation comme classe de façon sérieuse sans détruire définitivement la base sociale de toute oppression et exploitation. Voici la base matérielle à laffirmation marxiste que le prolétariat a comme mission historique lélimination de la société de classes, et, avec celle-ci, léradication de toute forme doppression extra-classe ou « spéciale ». Aux États-Unis, la lutte pour le pouvoir ouvrier est inextricablement liée à la lutte pour la libération noire. La division raciale entre les travailleurs noirs et les travailleurs blancs a été lobstacle historique primaire au développement de la conscience de classe. Les noirs américains ne constituent pas une nation, mais ils constituent une caste de race/de couleur reléguée au bas-fond de la société, concentrée massivement dans la classe ouvrière, et en particulier dans les secteurs stratégiques du prolétariat industriel. Brutalisée, maltraitée et systématiquement exposée à la discrimination dans le « pays de la liberté », la population noire a été historiquement relativement immunisée au patriotisme raciste impérial ayant empoisonné une bonne partie du prolétariat blanc. Les travailleurs noirs ont généralement prouvé quils sont la section la plus militante et combative de la classe. La lutte pour la libération noirecontre la brutalité raciste de la vie quotidienne en Amérique capitalisteest centrale à la construction dune avant-garde révolutionnaire sur le continent nord-américain. La lutte contre loppression spéciale des minorités nationales, linguistiques et raciales, particulièrement en ce qui concerne la population latino-américaine croissante, est une question qui sera déterminante à la victoire de la révolution américaine. Loppression de la femme est matériellement enracinée dans lexistence de la famille nucléaire: lunité de base indispensable à lorganisation sociale bourgeoise. La lutte pour légalité sociale complète des femmes est dimportance stratégique partout dans le monde. Une forme doppression spéciale étroitement liée à celle des femmes est celle des homosexuels, persécutés pour leur refus de se conformer aux rôles sexuels dictés par la « norme » de la famille nucléaire. La question homosexuelle nest pas stratégique comme lest la question femme, mais lavant-garde communiste doit défendre les droits des homosexuels et doit sopposer à toutes les mesures discriminatoires portées contre eux. Dans les syndicats, les communistes font campagne pour les droits égaux à laccès au travail, pour des programmes syndicaux visant le recrutement et la promotion des femmes et des minorités dans les secteurs « non-traditionnels », pour le salaire égal à travail égal, et pour lemploi pour tous et chacun. En même temps, nous défendons le système dancienneté comme étant un acquis historique du mouvement syndical et nous sommes opposés aux schémas divisionnistes et antisyndicaux tels le licenciement préférentiel. Lavant-garde communiste porte la responsabilité historique de lutter afin dunir la classe ouvrière autour de ses intérêts communs de classe, et de lutter contre les divisions artificielles maintenues par la société capitaliste. Pour ce faire, il faut porter lintérêt de lexploité et de lopprimé au premier rang, et se battre incessamment contre toute manifestation dinjustice ou de discrimination. Les secteurs opprimés de la population ne peuvent pas se libérer indépendamment de la révolution prolétarienne, cest-à-dire, dans le cadre du système social qui a donné naissance et qui perpétue cette oppression. Comme a noté Lénine dans LÉtat et la révolution: « Seulement le prolétariaten vertu du rôle économique quil joue dans la production à grande échelleest capable dêtre le dirigeant de toutes les masses laborieuses et exploitées, qui sont exploitées, opprimées et écrasées par la bourgeoisie, souvent pas moins que mais plus que les prolétaires, mais qui sont incapables de mener une lutte indépendante pour leur émancipation ». [notre traduction] Nous vivons dans une société de classes et le programme de chaque mouvement social doit, en dernière analyse, représenter les intérêts dune des deux classes ayant le potentiel de gouverner la société: le prolétariat ou la bourgeoisie. Dans les syndicats, lidéologie bourgeoise prend la forme dun économisme étroit; dans le mouvement des opprimés elle se manifeste sous la forme du sectoralisme. Ce que le nationalisme noir, le féminisme et dautres formes didéologie sectoraliste ont en commun, cest quils situent la racine de loppression en autre chose que le système capitaliste de la propriété privée. Lorientation stratégique de lavant-garde marxiste envers les organisations sectorielles « indépendantes » (cest-à-dire, multi-classe) des opprimés doit être de favoriser leur différenciation interne selon leurs composants de classe. Cela implique une lutte afin de gagner autant dindividus que possible à la perspective de la révolution prolétarienne, et de la nécessité dun parti davant-garde intégré qui en découle. 5. La question nationale et les « peuples interpénétrés »« Le marxisme ne peut pas être concilié avec le nationalisme, quil soit même de la marque le plus juste, le plus pur, le plus perfectionné et civilisé. A la place de toutes les formes du nationalisme, le marxisme avance linternationalisme ». Le marxisme et le nationalisme sont deux visions mondiales fondamentalement opposées. Nous défendons le principe de légalité de nations, et nous refusons daccorder les privilèges à nimporte quelle nation. En même temps, les marxistes rejettent toutes les formes didéologie nationaliste car, daprès Lénine, ils se réjouissent de « tout genre dassimilation des nations, sauf celui qui est fondé sur la force et le privilège ». Le programme léniniste sur la question nationale est conçu principalement afin de renvoyer la question nationale de lordre du jour et ceci afin de réduire la force dattraction des nationalistes petits-bourgeois en contre posant directement la question de classe. Dans les cas « classiques » doppression nationale (par exemple, le Québec) nous défendons le droit à lautodétermination, sans recommander nécessairement son exercice. Dans les cas plus complexes, lorsque des peuples sont dispersés ou « interpénétrés » partout en un seul territoire géographique (en Chypre, en Irlande du Nord, en Palestine-Israël), le droit abstrait de chacun à lautodétermination ne peut pas être équitablement réalisé dans le cadre des rapports de propriété capitaliste. Dans aucun de ces cas, cependant, le peuple dominant ne peut être mis sur le même pied que les blancs en Afrique du Sud ou les colons français en Algérie; cest-à-dire, dune aristocratie ouvrière ou de colons blancs privilégiés, dépendants de la surexploitation du travail indigène afin de maintenir un niveau de vie qualitativement plus élevé que celui du peuple opprimé. Les protestants irlandais aussi bien que la population hébraïque dIsraël sont des peuples composés de classes distinctes. Chacun a une bourgeoisie, une petite bourgeoisie et une classe ouvrière. A lencontre des moralisateurs petits-bourgeois culpabilisés, les léninistes nappuient pas le nationalisme des opprimés (ou les formations politiques petites-bourgeoises qui lépousent) tout simplement. Car, autrement, on annule simultanément la possibilité dexploiter les vraies contradictions de classes au sein du peuple oppresseur et on renforce la mainmise des nationalistes sur les opprimés. Les prolétaires du peuple montant ne peuvent jamais être gagnés à une simple perspective nationaliste, visant tout simplement à inverser les rapports inégaux existants. Une couche importante des travailleurs du peuple dominant peut être gagnée à la perspective anti-sectaire de classe-contre-classe parce que cette perspective est dans ses intérêts objectifs. La logique dune capitulation au nationalisme petit-bourgeois a amené une bonne partie de la gauche à soutenir les dirigeants arabes (lincarnation de la soi-disant « révolution arabe ») contre les Israéliens dans les guerres au Moyen-Orient en 1948, 1967 et 1973. Au fond, ces guerres sont des querelles inter-capitalistes, dont la victoire de lun ou de lautre ne peut guère profiter aux travailleurs et aux opprimés de la région. La position léniniste est donc celle qui revendique la défaite des deux côtés. Pour les ouvriers arabes et hébreux, lennemi principal se trouve dans leur propre pays respectif. La guerre de 1956 constituait un autre cas semblable; dans ce conflit la classe ouvrière avait un intérêt pourtant, celui de défendre Nasser contre les tentatives de limpérialisme français et britannique (soutenu par les Israéliens) de réapproprier le Canal de Suez, nationalisé peu avant. Bien que les léninistes sopposent au nationalisme en principe, ils ne sont pas neutres dans un conflit entre un peuple opprimé et lappareil de lEtat oppresseur. Nous revendiquons le retrait immédiat et inconditionnel des troupes britanniques de lIrlande du Nord, et nous défendons les attentats commis par lArmée républicaine irlandaise (IRA), comme par exemple celui contre la Royal Ulster Constabulary, contre larmée britannique ou à lhôtel à Brighton en Angleterre où siégeait le cabinet ministériel du Parti Conservateur britannique. De la même façon, nous défendons les actions militaires de lOrganisation pour la libération de Palestine (OLP) contre les forces de lEtat israélien. Nous ne défendons pas, dans aucun cas, les actes terroristes dirigés contre les populations civiles. Et ceci malgré le fait que le terrorisme criminel de lEtat sioniste contre les Palestiniens, tout comme celui de larmée britannique et de ses alliés protestants contre les Catholiques dIrlande du Nord est, le plus souvent, beaucoup plus grave que les actes de terreur communautaire commis par les opprimés. 6. Immigration/ÉmigrationLes léninistes appuient le droit démocratique élémentaire de tout individu démigrer où il veut. Mais comme dans le cas dautres droits démocratiques, ceci nest pas un impératif catégorique quelconque. Nous ne favoriserons pas lémigration dun individu qui poserait une menace à la sécurité militaire des Etats ouvriers dégénérés ou déformés. Le droit individuel à limmigration, exercé sur une échelle suffisamment étendue, peut entrer en conflit avec le droit à lautodétermination des petites nations. Par conséquent les trotskystes ne réclament pas les « frontières libres » en tant que revendication générale faisant partie du programme. Lafflux massif de limmigration sioniste en Palestine durant les années trente et quarante, par exemple, a servi de justification pour lexpulsion forcée de son propre territoire du peuple palestinien. Nous ne reconnaissons pas le « droit » illimité des Hans démigrer au Tibet, ni celui des citoyens français de sinstaller en Nouvelle-Calédonie, comme étant un droit absolu. La revendication en faveur des « frontières libres » est généralement préconisée par les libéraux/radicaux confus mais bien intentionnés, motivés par le désir utopique de rectifier, dans le cadre du système existant, les inégalités hideuses produites par lordre impérialiste mondial. Mais la révolution socialiste mondialeet non lémigration des peuplesest la solution marxiste à la misère et à la destitution vécue par la grande majorité de lhumanité sous le capitalisme. Nous défendons les travailleurs mexicains « illégaux » aux États-Unis appréhendés par La Migra. Nous sommes opposés à tous les quotas dimmigration, toutes les rafles et toutes les déportations de travailleurs immigrés. Au sein des syndicats, nous luttons pour la reconnaissance immédiate et inconditionnelle des pleins droits de citoyenneté pour tous les travailleurs, peu importe leur nationalité. 7. Le centralisme démocratiqueUne organisation révolutionnaire doit être strictement centralisée, accordant la pleine autorité aux corps dirigeants, afin dorienter le travail de la base et de ses membres. Lorganisation doit exercer un contrôle politique centralisé sur lactivité politique publique de ses membres. Ladhérent doit avoir la garantie dune pleine démocratie interne (cest-à-dire, le droit de mener une lutte politique interne pour changer la ligne politique du parti et/ou de remplacer la direction actuelle). La démocratie interne nest pas une garniture décorativeni tout simplement une soupape de sécurité pour la basecest une nécessité absolue et indispensable à lavant-garde révolutionnaire afin de maîtriser les développements complexes de la lutte des classes. Cest également le moyen principal de former les cadres révolutionnaires. Le droit à la démocratie factionnelle interne, cest-à-dire, le droit de lutter contre le révisionnisme au sein de lavant-garde, est la seule « garantie » quoffre une organisation révolutionnaire contre sa propre dégénérescence politique. Tenter de masquer les divergences importantes et de brouiller les lignes de démarcation interne ne peut quaffaiblir et désorienter un parti révolutionnaire. Une organisation basée sur la diplomatie, le consensus du plus petit dénominateur commun et lambiguïté programmatique concomitante (au lieu de laccord programmatique de principe et la lutte pour la clarté politique) nattend que le seul et le premier test décisif posé par la lutte des classes pour éclater en morceaux. Par contre, les organisations dans lesquelles lexpression des divergences est proscritesoit formellement ou informellementsont destinées à sossifier en sectes rigides, hiérarchiques et sans vie, de plus en plus isolées du mouvement ouvrier réel et incapables par ce fait même de reproduire les cadres indispensables afin deffectuer les tâches dune avant-garde révolutionnaire. 8. Les fronts populaires« La question des questions à présent est le front populaire. Les centristes de gauche cherchent à présenter cette question comme étant une manuvre tactique ou même technique, afin de colporter leurs marchandises dans lombre du front populaire. En réalité, le front populaire est la question principale de la stratégie prolétarienne de cette époque. Elle offre aussi le meilleur critère pour distinguer entre le bolchévisme et le menchévisme ». La politique du front populaire (cest-à-dire, dun bloc programmatique entre les organisations ouvrières et les représentants de la bourgeoisie, le plus souvent visant lobtention du pouvoir gouvernemental) constitue une trahison de classe. Les révolutionnaires ne peuvent aucunement soutenir la participation, aussi « critique » quil soit, des organisations ouvrières au sein des fronts populaires. La tactique dun soutien électoral critique aux partis ouvriers réformistes est basée sur la contradiction inhérente entre leur programme bourgeois (réformiste) et leur base au sein de la classe ouvrière. Lorsquun parti social-démocrate ou stalinien entre en coalition ou fait bloc électoral avec les formations bourgeoises ou petites-bourgeoises, cette contradiction est effectivement supprimée pour la durée de cette coalition. Un membre dun parti ouvrier réformiste, qui se présente aux élections sous légide dune coalition de collaboration de classe (ou un front populaire), se présente en tant que représentant dune formation politique bourgeoise. Ainsi toute possibilité dappliquer la tactique du soutien critique est écartée parce que la contradiction quelle cherche à exploiter est suspendue. A lencontre de ceci, les révolutionnaires doivent présenter, comme condition préalable à tout appui électoral, la rupture de toute coalition bourgeoise en revendiquant: « A bas les ministres capitalistes! » 9. Les fronts uniques et les « fronts uniques stratégiques »Le front unique constitue une arme tactique par laquelle les révolutionnaires cherchent à sapprocher des formations réformistes ou centristes afin dopposer « la base au sommet », dans les situations où il existe un besoin pressant daction unitaire à la base. Il est permis deffectuer un front unique avec les formations bourgeoises ou petites-bourgeoises lorsquil y a un accord ponctuel sur un point particulier, et lorsque cet accord sert les intérêts de la classe ouvrière (par exemple, le front unique des bolchéviques avec Kerenski et contre Kornolov). Le front unique constitue une tactique conçue non seulement pour accomplir lobjectif commun, mais aussi pour démontrer en pratique la supériorité du programme révolutionnaire, gagnant par le fait même une influence accrue et de nouveaux adhérents à lorganisation davant-garde. Les révolutionnaires naccordent jamais la responsabilité de la direction révolutionnaire à une alliance permanente (ou « front unique stratégique ») avec les forces centristes ou réformistes. Les trotskystes ne co-signent jamais de propagande communcest-à-dire, une déclaration commune de perspectives politiques globalesavec des courants révisionnistes. Une telle pratique est malhonnête et liquidationniste pour les deux organisations (puis quinévitablement elle implique le masquage des divergences politiques des deux organisations). Le « front unique stratégique » est le pari favori de lopportuniste qui, désespéré par son influence restreinte, cherche une compensation en se joignant à un bloc élargi sur la base dun programme minimal. Dans « Le centrisme et la Quatrième Internationale », Trotsky explique quune organisation révolutionnaire se distingue dune organisation centriste « par ses positions politiques, par sa consistance politique et par son efficacité organisationnelle ». Cela est exactement ce que le front unique stratégique vise à effacer. 10. La démocratie ouvrièreLes marxistes révolutionnaires, qui se distinguent par le fait quils disent la vérité aux travailleurs, peuvent seulement profiter dun affrontement politique ouvert, en concurrence avec les autres courants de la gauche, autrement dit, avec les réformistes et les centristes. Les staliniens, les sociaux-démocrates, les bureaucrates syndicaux et les autres faux dirigeants de la classe ouvrière, évitent tous la critique révolutionnaire, et cherchent à empêcher les discussions et les débats politiques par le gangstérisme et lexclusion physique. Nous sommes opposés à la violence et à lexclusion physique au sein de la gauche et du mouvement ouvrier, tandis que nous appuyons le droit de tous à la légitime défense. Nous sommes opposés également à lusage de la « violence modérée »la calomniequi va de pair (ou ouvre la voie) avec lagression physique. La calomnie et la violence au sein du mouvement ouvrier sont complètement étrangères aux traditions du marxisme révolutionnaire, car elles cherchent délibérément à détruire la conscience politique, la condition préalable à toute libération du prolétariat. 11. LÉtat et la révolutionLa question de lEtat occupe une place centrale dans la théorie révolutionnaire. Le marxisme nous enseigne que lEtat capitaliste (en dernière analyse, les « corps spéciaux dhommes armés » chargés de la défense de la propriété bourgeoise) ne peut pas être récupéré et transformé pour servir les intérêts des travailleurs. Le règne de la classe ouvrière ne peut être établi que par la destruction de lappareil de lEtat bourgeois existant, et par son replacement par des institutions chargées de la défense de la propriété prolétarienne. Nous sommes résolument opposés à lintervention de lEtat bourgeoispar quelque façon que ce soitdans les affaires du mouvement ouvrier. Les marxistes sopposent à toute tentative « réformiste » syndicale visant le redressement de la corruption bureaucratique par lentremise de la justice bourgeoise. Aux travailleurs de faire leur propre ménage! Nous exigeons au même titre lexclusion des policiers et des gardiens de prison du mouvement syndical. La tâche des révolutionnaires est denseigner à la classe ouvrière que lEtat nest pas un arbitre impartial entre les intérêts sociaux concurrentiels, mais une arme utilisée contre la classe ouvrière par les capitalistes. Par conséquent, les marxistes sopposent aux appels réformistes/utopiques, dirigés à lEtat bourgeois, dinterdire les mouvements fascistes. De telles lois sont invariablement utilisées beaucoup plus agressivement contre le mouvement ouvrier et la gauche que contre la vermine fasciste, les troupes de choc de la réaction capitaliste. La stratégie trotskyste pour combattre le fascisme nest pas de faire appel à lEtat bourgeois, mais de mobiliser la force de la classe ouvrière et des opprimés dans laction directe visant à écraser les mouvements fascistes dans luf, avant quils ne soient capables déclore. Comme la remarqué Trotsky dans le Programme de Transition, « La lutte contre le fascisme ne commence pas dans le bureau de rédaction libéral mais dans les usineset termine dans la rue ». Les léninistes rejettent lidée que les troupes impérialistes puissent jouer un rôle progressif quelconque: que ce soit pour la « protection » des enfants noirs des écoles primaires du sud des États-Unis, pour la « protection » de la population catholique en Irlande du Nord, ou pour « maintenir la paix » dans le Moyen-Orient. Nous ne cherchons guère à exercer une pression sur les impérialistes pour agir de façon « morale » en divestissant ou en imposant des sanctions à lAfrique du Sud. Nous disons par contre que les pouvoirs du « monde libre » sont fondamentalement unis derrière le régime raciste dapartheid dans la défense du « droit » à la surexploitation des travailleurs noirs. Notre but est de mobiliser la force des travailleurs du monde entier dans des actions dune solidarité effective de lutte des classes avec les travailleurs noirs de lAfrique du Sud. 12. La question russe
Nous défendons résolument les économies collectivisées de lEtat ouvrier soviétique dégénéré et les Etats ouvriers déformés dEurope de lest, du Vietnam, du Laos, du Cambodge, de la Chine, de la Corée du Nord et de Cuba contre la restauration capitaliste. Néanmoins nous noublions pas pour un moment le fait que seules les révolutions politiques prolétariennes, qui renverseraient les escrocs bureaucratiques anti-prolétariens à la direction de ces Etats, peuvent défendre les acquis actuels et ouvrir la voie au socialisme. La victoire de la faction stalinienne en Union soviétique dans les années 1920, sous la bannière du « socialisme dans un seul pays », a été couronnée par lextermination physique des cadres dirigeants du parti de Lénine dix ans plus tard. En opposant la défense de lUnion soviétique à la révolution mondiale, les usurpateurs staliniens minent décisivement les deux. La perspective dune insurrection prolétarienne pour établir le règne politique direct de la classe ouvrière nest donc pas opposée, mais inextricablement liée, à la défense des économies collectivisées. La question russe a été posée de la façon la plus aiguë récemment par rapport à deux événements: la suppression de Solidarnosc en Pologne et lintervention de larmée soviétique en Afghanistan. Nous soutenons militairement les staliniens contre les restaurationnistes capitalistes de Solidarnosc et les islamistes féodaux combattant pour la préservation de lesclavage des femmes en Afghanistan. Ceci nimplique pas que les bureaucrates staliniens aient un quelconque rôle historique progressif à jouer. Au contraire. Néanmoins, nous défendons les actions quils sont forcés à prendre pour la défense des formes de propriété ouvrière (telle que la suppression de Solidarnosc en décembre 1981). 13. Pour la renaissance de la Quatrième Internationale« Le trotskysme nest pas un nouveau mouvement, une nouvelle doctrine, mais la restauration, la reprise, du marxisme authentique comme il était présenté et pratiqué pendant la Révolution russe et lors des premiers jours de lInternationale Communiste ». Le trotskysme est le marxisme révolutionnaire de notre époquela théorie politique dérivée de lexpérience distillée par plus dun siècle et demi du communisme prolétarien. Cela a été vérifié positivement par la Révolution doctobre de 1917, le plus grand événement de lhistoire moderne, et généralement négativement depuis. Après la strangulation bureaucratique du Parti bolchévique et du Comintern par les staliniens, la tradition du léninismela pratique et le programme de la Révolution russea été mis de lavant par lopposition de gauche et par elle seule. Le mouvement trotskyste est né dans la lutte pour linternationalisme révolutionnaire contre la conception réactionnaire/utopique du « socialisme dans un seul pays ». La nécessité dune organisation révolutionnaire sur une base internationale découle de lorganisation de la production capitaliste elle-même. Les révolutionnaires dans chaque cadre national doivent être guidés par une stratégie de dimensions internationaleset cela ne peut être élaborée que par la construction dune direction internationale de la classe ouvrière. Au patriotisme de la bourgeoisie et ses laquais sociaux-démocrates et staliniens, les trotskystes opposent limmortel slogan de Karl Liebknecht: « Lennemi principal est chez nous! » Nous nous basons sur les positions programmatiques adoptées par le congrès de fondation de la Quatrième Internationale en 1938, aussi bien que sur les quatre premiers congrès de lInternationale Communiste, et sur la tradition révolutionnaire de Marx, Engels, Lénine, Luxembourg et Trotsky. Les cadres de la Quatrième Internationale hors de lAmérique du Nord ont été largement anéantis ou dispersés au cours de la Deuxième guerre mondiale. LInternationale a été définitivement détruite politiquement par le révisionnisme de Pablo au début des années cinquante. Nous ne sommes pas neutres par rapport à la scission des années 1951-53nous nous rangeons du côté du Comité International (CI) contre le Secrétariat International de Pablo (SI). La lutte du CI était pleine de défauts, tant à léchelle politique quau niveau de lexécution. Néanmoins, en dernière analyse, limpulsion du CI de résister à la dissolution des cadres trotskystes dans les partis staliniens et sociaux-démocrates (telle que proposée par Pablo) et sa défense de la nécessité dun parti, le facteur conscient de lhistoire, la rendu qualitativement supérieur au SI liquidationiste. A lintérieur du CI la section la plus importante était le Socialist Workers Party (SWP) américain qui fut également la section la plus forte aux origines de lInternationale. Cette section a bénéficié de la collaboration la plus directe avec Trotsky et a eu parmi ses cadres dirigeants plusieurs qui remontaient aux premières années du Comintern. Lécroulement politique du SWP en tant quorganisation révolutionnaire, signalée par son enthousiasme non-critique pour le castrisme au début des années soixante, et culminant en sa défection aux pablistes en 1963, a donc porté un coup énorme au trotskysme mondial. Nous sommes solidaires de la lutte de la Revolutionary Tendency (le précurseur de la Spartacist League/U.S.) pour la défense du programme révolutionnaire contre lobjectivisme centriste de la majorité du SWP. Nous nous basons sur les positions trotskystes défendues et élaborées par la Spartacist League révolutionnaire des années suivantes. Toutefois, sous la pression de deux décennies disolement et de frustration, la SL a elle-même connu une dégénérescence qualitative, se transformant en un groupe bureaucratiquement grotesque, en un culte apparent de bandits politiques qui, malgré une capacité résiduelle et cynique à une prétention d « orthodoxie » écrite, démontre une sérieuse impulsion de reculer sous la pression. Aujourdhui, la « Tendance spartacist internationale » nest pas plus supérieure politiquement que les autres soi-disant « internationales » trotskystes qui réclament la tradition de la Quatrième Internationale. Lécroulement de plusieurs prétendants historiques à la continuité trotskyste, de même que les difficultés évidentes et le glissement vers la droite du reste, ouvre une période potentiellement fertile pour une réévaluation politique et un réalignement parmi ceux qui ne croient pas que la voie au socialisme passe par le Parti travailliste britannique, par le capitaliste et restaurationniste Solidarnosc de Lech Walesa, ou par le front populaire chilien. Nous cherchons résolument à participer au processus de regroupement international des cadres révolutionnaires, sur la base du programme du trotskysme authentique, en tant quune étape envers la renaissance tant attendue de la Quatrième Internationale, le parti mondial de la révolution socialiste.
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