Le devoir révolutionnaire pur et simpleLe texte suivant est un extrait dune lettre d'un sympathisant de la Tendance bolchévique internationale en réponse à plusieurs questions posées quant à notre caractérisation de la Ligue communiste internationale (LCI) ainsi quà légard du putsch daoût 1991 en Union soviétique. Toronto le 10 mars 1993 Cher camarade: Tu poses la question du putsch, qui est en effet une question très importante. Sur un plan je pense quil peut être vu comme une version condensée de la question russe pure et simple. La bureaucratie, que nous avons toujours combattue comme une couche parasitaire anti-prolétarienne, sest prouvée si pourrie quelle ne pouvait même pas rester sobre pendant sa dernière heure. Mais la question est quelle attitude doivent prendre les révolutionnaires,i.e., ce que nous devrions avoir dit à la classe ouvrière de faire. Et la victoire des eltsiniens était une défaite évidente pour les travailleurs, qui avaient toutes les raisons de souhaiter la défaite des eltsiniens. Alors il sensuit que les travailleurs avaient toutes les raisons de faire bloc militairement avec les putschistes, qui, pour leurs propres raisons, avaient décidé dessayer de geler la situation et de garder le pouvoir pour eux-mêmes. Tu remarques que: « je ne vois pas comment lappui militaire au putsch en soi sans un axe prolétarien de lutte, aurait pu mener quelque part...si vous soutenez le putsch en soi, vous soutenez les gens qui avaient perdu leurs racines sociales et étaient suspendus, comme on peut dire, en lair, ce qui est pourquoi le putsch a échoué et naurait pas pu avoir réussi ». Je pense que la manière dont nous devons regarder les choses est du point de vue de ce qui était dans les intérêts objectifs de la classe ouvrière, et quelle attitude voulons-nous donc faire appel aux travailleurs dadopter. Ceci est certainement comment nous avons regardé le putsch polonais en décembre 1981. La seule différence est que Jaruzelski avait derrière lui Brejnev et lArmée soviétique. Mais en termes dappui social, je soupçonne que Yanayev avait plus de travailleurs espérant quil gagne que Jaruzelski en avait. Ou prenons quelques autres cas. Si Kerenski et Kornilov entreraient en conflit, nous soutiendrions Kerenski militairement parce que nous pensons que les travailleurs ont quelque chose à perdre si Kornilov gagnerait. Sans lappui des masses bolchéviques armées, Kornilov aurait pu très probablement vaincre Kerenski parce que ce denier était suspendu en lair aussi à travers son défaut évident de ne pas avoir agi dans les intérêts du prolétariat. Mais naurions-nous pas alors avoir pris une position dappui militaire à Kerenski, même si nous navions pas eu les forces dont Lénine disposait? Si la classe ouvrière a un intérêt dans la victoire de lun sur lautre, alors nous avons une part dans cette lutte. Si nous avions eu les masses derrière nous en août 1991, nous les aurions amené à prendre part dans la confrontation. Même une petite manifestation dopposition déterminée aux eltsiniens aurait pu avoir un effet significatif, car lépisode entier était très bien balancé. La plupart des travailleurs et lappareil militaire se sont assis sur leurs mains. Avec ou sans les troupes dans le champ, la question de notre attitude doit être déterminée par le fait si oui ou non la classe ouvrière avait quelque chose en jeuet non sur la probabilité du succès de la lutte. Lapproche entière des robertsonistes à ce problème était dirigée par larrière-plan. Si les travailleurs sétaient ralliés en nombre suffisant aux putschistes qui, pour leurs propres raisons, cherchaient à décourager lintervention des masses populaires, alors la LCI aurait joint la lutte aussi. Mais vu que le putsch na pas réussi à engendrer un soutien de masse, et a manqué de bien fonctionner sur le plan technique (cruauté insuffisante dans lassaut contre la Maison Blanche dEltsine, le défaut de ne pas mobiliser les troupes suffisamment dignes de confiance afin daccomplir leur rôle, etc.) la LCI dit que rien nétait en jeu entre Pugo/Yannaev et Eltsine/Bush. Ceci est une mauvaise méthode, et elle produit un mauvais résultat dans son insistance que lURSS soit demeurées intacte pendant plus quun an. La reconnaissance que léchec du putsch a marqué en effet la victoire de la contre-révolution et la destruction de lÉtat ouvrier exige, presque axiomatiquement, quon doit désirer avoir vu un autre résultat aux événements daoût 1991. Si nous ne voulons pas être neutres ou indifférents à la destruction de lÉtat ouvrier, nous devons alors, lorsquil compte, être prêts à faire bloc avec ceux qui, bien que de façon incompétente, tentent de barrer la voie à la victoire eltsinienne. Nous ne pouvons pas déterminer notre position de la compétence des combattants, de leur soutien de masse ou de leurs chances de succès, mais plutôt sur ce quils représentent objectivement. Ceci napplique pas seulement au putsch soviétique mais aussi au Soviet hongrois, à Saddam Hussein en février 1991, ou à la République espagnole en janvier 1939. |