Violence policière en France

Pour une riposte ouvrière !

20 août 2023

Mehdi, Abdelkarim, Jalil, Virgil, Nathaniel ont tous perdu un œil. Hedi a la tête fracassée. Aimène est dans le coma, Mohamed est mort. Plus d’un mois après le décès de Nahel, la police tue, oppresse et lynche en France.

Le récent témoignage d’Hedi, dont les faits remontent à la nuit du 1er au 2 juillet à Marseille en plein soulèvement des quartiers populaires après le meurtre de Nahel, met en lumière le rôle des flics dans l’État bourgeois et toute la propagande politique et médiatique pour faire accepter l’oppression et les oppresseurs dans la société française. Touché par un tir de LBD dans la tempe, Hedi est ensuite devenu victime d’un violent lynchage par des policiers de la BAC sans même un prétexte quelconque, comme il le raconte :

« Quand j’ai voulu me relever, on m’a attrapé et on m’a traîné dans un petit coin, où il faisait tout noir. Ensuite, on a commencé à me frapper. Il y en a un qui était allongé sur moi, donc je ne pouvais pas bouger. Il y en a qui m’ont frappé avec les poings, d’autres m’ont frappé avec les matraques. Je me suis fait casser la mâchoire. À aucun moment, on ne m’a demandé mes papiers, à aucun moment on ne m’a demandé ce que je faisais là. J’essaie de leur dire qu’ils peuvent me fouiller quand je suis au sol, que j’ai rien de dangereux. Mais ils ne voulaient rien savoir. »
—France Inter, 27 juillet 2023

Depuis, plusieurs centaines de policiers partout en France se sont mis en arrêt-maladie ou ont invoqué le code « 562 », procédure permettant de faire une grève du zèle afin de demander la libération du flic détenu pour l’attaque contre Hedi. Tout comme pour le policier auteur du meurtre de Nahel, une cagnotte a été mise en place afin de « soutenir » les quatre policiers impliqués, et s’élève actuellement à plus de 50 000 euros. Quelle est cette société malade où les lyncheurs et les assassins sont récompensés par monnaie sonnante et trébuchante de leur crime et sont par une partie de la population transformée en victime ?

La violence policière est la violence bourgeoise

Des membres du gouvernement ont montré à qui en voulait la preuve de quel côté ils se trouvent. Ils ont craché à la figure de Hedi et soutenu les lyncheurs en revendiquant, comme le fait le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, la libération du flic en détention provisoire. Le « syndicat » policier Alliance demande la création d’un « statut spécial » pour les flics afin que ceux-ci ne soient pas inquiétés quand ils tabassent et tuent.

La vérité, c’est que la police jouit déjà d’un genre de statut spécial en tant que le bras armé de la bourgeoisie. Marx et Lénine nous ont enseigné que dans une société capitaliste, la police est un instrument fondamental de maintien de l’ordre bourgeois, garantissant la pérennité de l’exploitation et de la domination de la classe dirigeante sur les travailleurs. Son rôle de répression et de protection de la propriété privée est un outil puissant au service des intérêts capitalistes, et cette fonction devient de plus en plus importante face aux crises multiples d’un capitalisme pourrissant dont le vernis de légitimité idéologique s’affaiblit. On voit une fronde de la police que le gouvernement ne peut que soutenir alors même que les revendications demandent à sortir du cadre de la justice bourgeoise. Surtout à l’approche des Jeux olympiques de Paris et dans un contexte d’ébullition, de révolte, de paupérisation, au sortir du mouvement des Gilets jaunes et de la réforme retraite, le pouvoir ne peut en aucun cas se permettre de perdre le soutien des flics, qui sont les ennemis jurés des travailleurs et des opprimés. Comme Trotsky l’a expliqué il y a presque un siècle : « L’ouvrier, devenu policier au service de l’État capitaliste, est un policier bourgeois et non un ouvrier. »

Le racisme intrinsèque à la société française hérité de son passé colonial, trouve toute son expression violente dans le maintien de l’ordre dans les ghettos de banlieues. Le fait que Hedi soit arabe évidemment n’est pas un hasard, comme avec Malik ou Fouad, ou avec Zina, avec Bouna, avec Babacar, avec Adama, avec Redouane ou avec Naël. La société profondément raciste en France qui ghettoïse ces populations, les prive d’emploi, et les oppresse du fait de leur origine ethnique, trouve son expression la plus dure dans la condamnation à des peines de prison ferme dans les tribunaux à la suite des émeutes et dans les ratonnades et assassinats des flics dans les quartiers, comme en témoigne le viol de Théo Luhaka, le meurtre de Malik Oussékine et tant d’autres passés sous silence.

Les policiers, leurs « syndicats » et les mouvements fascistes qui les soutiennent ont déclaré être « en guerre » contre les « nuisibles ». C’est tous les opprimés, les pauvres et les révoltés qui sont visés. La militarisation de la police et ses pratiques de lynchages, de violences horribles et de répression s’est forgé pendant des années sur les quartiers et ghettos français. Mais la police n’étant que la courroie d’oppression contre les exploités du système capitaliste, cette violence l’État se tourne sur les mouvements des opprimés et des travailleurs hors de ces quartiers. En témoigne le lourd bilan des Gilets jaunes où quatre personnes ont été tuées et des dizaines ont subi des blessures graves, notamment 30 éborgnements, six mains arrachées, 353 blessures à la tête sans compter les lynchages et les bastonnades qui font monter les plaintes à l’IGPN aux plus de 300.

C’est le cas d’Angelina, 19 ans, rentrant chez elle le 8 décembre 2018 pendant le mouvement des Gilets jaunes, qui a reçu un coup de flash-ball dans le genou et s’est faite tabasser par plusieurs policiers de la BAC qui étaient en civils. Un article de Mediapart sur ce sujet montre que ce lynchage a de nombreuses similarités avec celui subit par Hedi, par exemple, comment les flics et leur hiérarchie ont effacé toutes les preuves à charge et temporisé l’enquête pour que les coupables ne soient pas inquiétés. Mais le lien est même plus étroit : le policier en détention actuellement est dans les deux cas l’auteur présumé des coups.

Il n’y a pas de différence à faire entre la répression dans les quartiers et la répression des mouvements des travailleurs. La même institution est chargée de réprimer, de provoquer et de tabasser : la police, bras armé de l’État bourgeois et vecteur d’oppression pour les minorités, les opprimés et les travailleurs qui ont tout intérêt à renverser ce système et à se libérer de la violence, de l’exploitation et de la misère.

Contre l’État bourgeois, pour le pouvoir ouvrier !

Nous appelons à la libération de tous les détenus de la répression, des révoltes, des mouvements et des Gilets jaunes. Il faut se préparer à ce que la répression et les exactions violentes de la police soient de plus en plus courantes et de moins en moins réprimandées par l’État bourgeois. On doit défendre les jeunes des quartiers, les syndicats et les organisations des opprimés contre la violence de l’État qui ne fait que s’accélérer. Le mouvement ouvrier et les opprimés doivent s’organiser pour que leurs luttes révolutionnaires ou non ne soient pas les victimes d’une police et de nervis fascistes sans limite et en roue libre.

Pendant le mouvement contre la réforme des retraites, nous appelions à la création de « détachements ouvriers d’autodéfense pour protéger les grèves et les manifestations contre les flics et les fascistes » (« Les grèves contre la réforme des retraites font trembler la bourgeoisie », 1917 édition française n°9). Face à la violence policière, cette perspective reste essentielle, de même que la nécessité de lutter contre le sabotage des bureaucrates syndicaux et de leurs alliés dans les partis réformistes qui ont le pouvoir d’initier de tels détachements d’autodéfense mais qui préfèrent se recroqueviller devant la menace de leurs maîtres bourgeois.

Jean-Luc Mélenchon veut une police qui serait des « gardiens de la paix ». Un livret thématique de sa campagne électorale actuelle déclare que « Nous voulons une police républicaine, sous le contrôle du peuple et dans le respect des règles communes ». C'est tout pareil qu’en 2020 lorsqu’il a déclaré : « Une société dans laquelle la population déteste sa police et la police se méfie de la population, il faut arrêter ça » (Le Parisien, 14 décembre). Au contraire, la classe ouvrière et la population des quartiers comprennent bien que la police est notre ennemie, la force armée de l’État bourgeois. Il faut dire que les flics ne font pas partie du mouvement ouvrier ; il faut les expulser du mouvement syndical !

On lutte pour un avenir socialiste, une société débarrassée des chaînes de l’exploitation de classe. On appelle à mettre fin aux ghettos de classe dans les banlieues et à rompre avec la démocratie bourgeoise dite républicaine pour instaurer une société sans classe et sans oppression. Les révolutionnaires essaient de construire un pont programmatique entre la résistance actuelle des habitants des banlieues et la lutte contre la bourgeoisie. On avance un programme qui comprend l’accord de tous droits de citoyenneté à tous les habitants du pays ; la réduction de la semaine de travail (ne dépassant pas 30 heures) sans perte de salaire et l’élimination du chômage ; l’augmentation massive des salaires et une croissance des salaires dépassant l’inflation des prix ; la planification de grands travaux publics, y compris l’amélioration de l’infrastructure des banlieues et son intégration avec Paris par un système moderne de transports en commun gratuit ; l’expansion des services sociaux, sous contrôle ouvrier ; l’expropriation du grand capital ; la dissolution de la police, des forces armées et des gardes-frontières et leur remplacement par des forces d’ordre prolétarien ; et le renversement de tout l’État bourgeois et la mise en place d’un gouvernement ouvrier qui défend un ordre égalitaire et démocratique au service de l’ensemble de la population.

Pour cela, il faut construire un parti révolutionnaire qui avance son programme de lutte de classe dans le mouvement ouvrier et n’importe où les opprimés se battent pour leurs intérêts. Seule une direction véritablement marxiste peut démasquer et surmonter la trahison de classe de la bureaucratie syndicale et des dirigeants des partis réformistes et aider la classe ouvrière et les opprimés à se libérer du système capitaliste.


Articles liés :
Les grèves contre la réforme des retraites font trembler la bourgeoisie (1917 édition française, n°9, 2023)
1er mai : Le capitalisme doit être détruit ! (1917 édition française, n°9, 2023)