Maastricht: quelle perspective pour le mouvement ouvrier?Ce texte est une traduction abrégée dun article paru en 1917, no 13, édition de langue anglaise Depuis laube de lâge de limpérialisme à la fin du siècle dernier, le capitalisme sur une échelle mondiale a été confronté par une contradiction quil ne peut pas résoudre. Il a créé des liens dinterdépendance économique et une division globale de la main-doeuvre qui débordé les frontières nationales. Cependant cette économie mondiale hautement intégréeinter-reliée de plus près que jamais auparavantest divisée politiquement dans divers État nations rivalisants et blocs impérialistes instables, dont les antagonismes mutuels sapent et menacent à déchirer les liens économiques internationaux que le capitalisme a portés en existence. Le développement capitaliste contient une contradiction profonde entre les impératifs de lintégration internationale et la nécessité pour chaque bourgeoisie nationale de trouver des « solutions nationales » aux actions de ses rivaux, i.e., « la baisse », les restrictions du marché et le protectionnisme. Cette contradiction a eu pour résultat déjà deux guerres mondiales. A cause du besoin de maintenir lunité contre le bloc soviétique à lépoque daprès-guerre, elle a été supprimée en partie pendant les quarante-cinq dernières années. Mais elle nétait jamais loin de la surface. Maintenant que lUnion soviétique nest plus, et que la suprématie économique indiscutable dautrefois des États-Unis a depuis longtemps disparu, les rivalités parmi les puissances capitalistes majeures dominent de nouveau la scène mondiale. Nul part est ce plus évident que dans les travaux récents de la soi-disant Communauté Européenne (CEqui a changé son nom en novembre 1993 à lUnion Européenne). Le capitalisme ouest-européen a émergé de la deuxième guerre mondiale dans une condition très précaire. Lindustrie et lagriculture avaient presque écroulé, et dans presque chaque pays les souverains ont été discrédités par leur collaboration avec le fascisme. Craignant une classe ouvrière renaissante et enragée, les souverains capitalistes lont trouvé commode dentreprendre de supprimer des antagonismes nationaux afin de consolider leur règne. Limpérialisme américain a encouragé des mouvements vers la coopération européenne, et a approuvé de façon bénigne le projet de la CE parce quil a aidé à consolider un rempart capitaliste ouest-européen contre lUnion soviétique. Lorsque lhégémonie américaine a diminué, la campagne pour une plus grande unité européenne a gagné la force dimpulsion. Ceci était nourri par le désir de réaliser lefficacité de fonctionnement agrandi dans un plus grand champ économique, et a reflété la capacité renouvelée des classes dominantes européennes à poursuivre leurs propres ambitions impérialistes. Les capitalistes plus prévoyants avaient reconnu que lexpansion internationale considérable de la production, du commerce et de la finance européenne exigeait lintégration économique européenne étendue afin de participer efficacement dans la compétition globale pour les marchés et les sphères dinfluence. Toutefois chacune des bourgeoisies impérialistes envisageait lunification simultanément comme un moyen davancer leurs propres intérêts (souvent mutuellement contradictoires) nationaux particuliers. Donc ce qui a commencé en 1952 comme un accord entre la France, lAllemagne, lItalie et les pays Benelux pour éliminer toutes barrières à lexportation et limportation de charbon et dacier, est devenu, avec lacceptation du Traité de Rome en 1957, un dessein pour intégration économique et, finalement, politique de lEurope entière. En 1968 les neuf pays appartenant à ce quon a nommé alors le Marché Commun avaient accompli une union complète des douanes, un tarif externe en commun et le mouvement plus libre de la main-doeuvre et de capital au sein de lunion. La Grande Bretagne a adhéré à la CEE en 1973, et le nombre de pays membre est allongé par la suite au douze actuel. La voie à lunité européenne na pas été paisible. La Grande Bretagne, qui sattache à ses mémoires dune gloire impériale disparue, et souvent considérant son "rapport spécial" avec les États-Unis au-dessus dune coopération plus proche avec ses ennemis traditionnels du continent européen, a tenu lEurope à la longueur de bras pendant beaucoup dannées, et même aujourdhui elle demeure une partenaire peu disposée. La campagne pour lunité est presque venue à une halte pendant les récessions mondiales du milieu des années 70 et au début des années 1980, lorsque les États membre de la CEE sont devenus préoccupés avec la gestion de leurs propres crises internes, souvent au dépens dun autre. Cependant, le processus dintégration a ressuscité au cours des années 1980. Lacte de marché unique de 1986 et le Traité de Maastricht de 1992 étaient dirigés à ce que les auteurs du Traité de Rome ont envisagé comme le pas suivant à la création dune union douanière: lintégration économique européenne entière. Avec ces deux accords, les États membre ont suspendu des éléments importants de leur souveraineté nationale. Lacte de marché unique a eu pour résultat un rôle accru pour la Commission européenne qui siégeait à Bruxelles : alors que tout État membre pouvait précédemment interdire ses décisions, la Commission a été donnée maintenant les pouvoirs larges de légiférer par règle majoritaire dans plusieurs domaines économiques. Tous les contrôles des frontières ont été proposés pour lélimination en 1993. Le Traité de Maastricht a présenté le projet pour la création dune seule monnaie européenne (lUnion Monétaire Européenne, ou UME) par la fin du siècle. Avec ces deux traités en place, Europe semblait sur la voie à la troisième et dernière étape projetée par les architectes du Traité de Rome: la fusion des pays membre dans un super-État fédéré, avec une seule politique étrangère, Parlement et armée. Les divergences sur lintégration politique et économique continueront à faire les manchettes de la politique européenne pour le futur immédiat. Le Traité de Maastricht a été mis à un vote populaire dans trois pays en 1992. Au Danemark, le traité a initialement failli par une marge étroite (quoique ce verdict ait été renversé dans un référendum subséquent), dans la République dIrlande il a été endossé par 70 pour cent, et en France, Maastricht a gagné lapprobation par la marge la plus étroite en septembre 1992. Ces référendums ont présenté la gauche et le mouvement ouvrier avec une question pratique immédiate: comment voter sur Maastricht, ou si on doit voter du tout. Les deux sont poisons: Nationalisme venimeux ou intégration inter-impérilaisteLa controverse sur Maastricht est exclusivement un différend sur comment organiser le capitalisme européen. Le devoir des marxistes révolutionnaires est de représenter les intérêts historiques, de long terme, de la classe ouvrière, qui na aucun intérêt dans lun ou lautre modèle du capitalisme. Cependant la plupart de la gauche ont failli adopter une position de « la peste sur les deux maisons ». Même les groupes révolutionnaires auto-proclamés et soi-disant trotskystes se sont joint aux courants réformistes de gauche en plaidant en faveur dun « non », affirmant quune victoire pour le « non » représentera en quelque sorte une victoire pour la classe ouvrière. Cette position semble être dérivée dans une certaine mesure du climat politique réactionnaire actuel. Il y a cinquante ans peu de partis ouvriers nieraient publiquement que lobjectif ultime était lélimination de la propriété privée des moyens de production et son remplacement par le socialisme. Le débat au sein du mouvement ouvrier a centré sur comment atteindre cet objectif: par la réforme ou par la révolution, à travers le front populaire ou par la voie de lindépendance politique de la classe ouvrière, par le « socialisme dans un seul pays » ou par lextension internationale de la révolution socialiste. Aujourdhui, le terrain de la discussion a changé entièrement. La social-démocratie pour lessentiel avait officiellement abandonné lobjectif du socialisme il y a longtemps. Depuis la chute de lURSS et les régimes de lEurope dest, les soldes des partis staliniens se sont refondus en sociaux-démocrates de gauche, et ont renoncé le socialisme en paroles aussi bien que dans les faits. Presque tous les partis ouvriers et les organisations ouvrières de masse proclament ouvertement aujourdhui que la classe ouvrière ne peut viser autre objectif plus élevé que la conservation et (dans la mesure du possible) lexpansion des gains sociaux limités arrachés des capitalistes par les luttes passées. La permanence de la société capitaliste est prise pour acquise; la seule question pertinente concerne quel genre de capitalisme nous voulons. Le débat public contemporain, en bref, a lieu presque entièrement dans le cadre de lidéologie bourgeoise. Il est par conséquent facile de voir comment les groupes ostensiblement trotskystes sentent instinctivement que rejeter ce cadre bourgeois implique labstention de la politique électorale de masse entièrement, et plutôt que de se laisser marginaliser, ils sefforcent de découvrir un pôle de gauche ou de la classe ouvrière quelconque dans la controverse de Maastricht. Un tel pôle na jamais émergé. Il est vrai que la majorité de la bourgeoisie et leurs représentants politiques étaient pro-Maastricht. Mais la principale opposition articulée nest pas venue de ceux qui ont repoussé Maastricht parce quils se sont opposés à un futur capitaliste, mais plutôt dune minorité bourgeoise nationaliste de droite. Thatcher et Séguin étaient contre le traité parce quils craignaient que leurs propres bourgeoisies puissent devoir sacrifier quelques-unes de leurs prérogatives traditionnelles à ce quils perçoivent comme un Conseil de Ministres dominé par les Allemands à Bruxelles. Et derrière ces « conservateurs conventionnels » se trouvaient Enoch Powell et Jean-Marie Le Pen, qui doivent leurs carrières politiques entières à lincitation de la haine chauvine contre les immigrés. Dans le référendum français, la Parti communiste français (PCF) et une minorité de Parti socialiste (PS) étaient aussi dans le camp du « non », lançant lavertissement aux travailleurs que Maastricht signifie plus de chômage et une plus grande austérité. Mais ceci est le même PCF qui a capitulé pendant des années aux sentiments anti-immigrés croissants dans les faubourgs ouvriers de Paris et dautres villes, ayant perdu des votes au Front National de Le Pen, et cette même minorité de PS a été complice dans la politique daustérité imposée à la classe ouvrière française pendant les dix dernières années. Il est aussi vrai que le vote de septembre a été divisé rudement selon une ligne de classe, avec les quartiers bourgeois votant fortement en faveur de Maastricht, et la majorité douvriers et de petits cultivateurs votant contre. La répudiation de Maastricht par les travailleurs français reflète le mécontentement profond avec une économie pourrissante et les politiciens perçus comme responsable pour cet état de choses. Mais, au-delà de ceci, les implications politiques dun vote « non » restent imprécises. La classe ouvrière et les petits fermiers ont eux aussi été réceptifs au chauvinisme croissant et à la xénophobie. Leur mécontentement nest jamais dépassé le niveau dune protestation vague et ambiguë contre les conditions actuelles. Le choix implicitedu début à la finétait entre une plus grande unité européenne et le statut quo légal. Les révolutionnaires refusent de choisir entre ces pièges bourgeois, et font appel pour lopposition aux deux « options » capitalistes visant à intensifier lexploitation. Le Secrétariat unifié vote nonLe Secrétariat unifié de la Quatrième Internationale dErnest Mandel a plaidé en faveur dun « non » à Maastricht dans le référendum français. Lédition du 12 octobre 1992 de sa publication International Viewpoint a affirmé que : « La question sous-entendue dans ce référendum était: souhaitez-vous rationaliser les moyens de restructuration capitaliste et avancer la cohésion des politiques de laustérité partout en Europe et la réponse socialiste évidente à ceci était bien sûr non ». Et, en effet, Maastricht représentait la méthode préférée de la bourgeoisie européenne pour mener loffensif global actuel contre la classe ouvrière. Mais le problème avec lapproche du Secrétariat unifié est que cela implique quune classe capitaliste se tenant séparément de la CE sera dune façon ou dune autre immuniser aux impératifs de la concurrence internationale et de la rationalisation, et naura pas besoin davoir recours à laustérité et les briseurs de grève. Celui-ci est un argument que nous avons entendu en 1988, lors de lélection de « libre échange » au Canada :
Si, par exemple, la Grande Bretagne cherchait à se retirer de la CE, devons-nous attendre que la pression capitaliste sur la classe ouvrière diminue? Les syndicats gagneront-ils un avantage quelconque? Il ny a pas de raison de penser ainsi. Une campagne réussie pour quitter la CE serait suivie dun bombardement publicitaire genre « il y aura toujours une Angleterre » comme chanson de thème. Les thatcheristes pousseront la population à « acheter britannique », à serrer leurs ceintures et à augmenter la productivité afin de conserver les traditions inestimables de leur île-nation libre. International Viewpoint déplore le fait que les deux partis ouvriers, le PCF et le PS, aient mené une campagne « non » basée sur les appels chauvins et nationalistes : « Un des points principaux autour duquel lopposition sest cristallisée était celui de la nation. En premier lieu ceci sest manifesté dans les dénonciations du processus dunité européenne pour sa menace à lidentité française. Celle-ci était lidée dominante du Front National aussi bien que du RPR de Pasqua; ce thème nétant pas entièrement absent dans les discours de Chevènement et du Parti communiste ». La LCR (section française du Secrétariat unifié) avait apparemment une difficulté considérable à différencier son « non » progressiste du « non » ordinaire et habituel des chauvins et des protectionnistes. Celui-ci nest pas simplement le résultat dincompétence tactique. Lopportunisme éprouvé du Secrétariat unifié dicte quil découvre un « côté progressif » à presque tout ce qui se produit, de la victoire de lintégrisme islamique en Iran à la restauration capitaliste en Pologne ou en lancienne Union soviétique. La politique de classe et la campagne nonSe joignant au Secrétariat unifié dans le camp de « non » à Maastricht est la Ligue communiste internationale (LCI), dirigée par la Spartacist League des États-Unis. La propagande des robertsonistes sur Maastricht a un ton quelque peu hésitant, qui reflète les difficultés de présenter un argument de gauche dur pour un vote « non ». Néanmoins, un article majeur sur Maastricht, publié après le référendum français (Workers Vanguard, le 2 octobre 1992), présente plusieurs arguments qui méritent une discussion. Dabord, Workers Vanguard affirme que la majorité de la classe ouvrière française a voté « non » par instinct de classe solide:
Il est bien sûr une bonne chose lorsque la classe ouvrière agit instinctivement dans son propre intérêt. Nous navons aucun droit de supposer, toutefois, que lintérêt de classe authentique informe chaque action instinctive de la classe ouvrière. Quel « instinct de classe » oblige les ouvriers américains à soutenir les démocrates ou les républicains ou quel instinct pousse les mineurs russes à suivre Eltsine? Il y avait sans aucun doute un élément de ressentiment de classe dans le refus de Maastricht par louvrier français. Ils étaient fâchés avec les bureaucrates de Bruxelles, les financiers et les cadres professionnels, aussi bien que tout ce « beau monde »acteurs, cinéastes, artistes et écrivainsdéfilant devant les médias battant leurs tambours pour le vote « oui ». Cependant quel que soit le ressentiment de classe implicite qui aurait pu encadrer le vote « non » de louvrier français, dans la configuration politique existante il ne pouvait quêtre subordonné au « non » nationaliste dominant. Il est possible, particulièrement dans une période de luttes de la classe surchargée, quune question qui serait ordinairement vue comme une divergence intra-bourgeoise dacquérir une signification de classe. Par exemple, en janvier 1919, le renvoi du chef social-democrate de gauche de la Police à Berlin, comme partie dune tentative de restaurer lhégémonie capitaliste, a initié une révolte avortée par les sections les plus militantes de la classe ouvrière allemande. Dans de telles circonstances il serait en effet ridicule et sectaire pour les marxistes de simplement dire aux ouvriers de ne pas prendre un côté. A lencontre dun vote pour un candidat dans une élection, un vote « non » dans un référendum peut être un geste purement négatif. Mais un vote « non » dans le référendum de Maastricht avait une signification politique déterminée par le contexte plus large dans lequel il a eu lieu. De petits groupes de propagande ne peuvent pas changer ce contexte ou cette signification implicite. Les référendums de Maastricht étaient essentiellement des tentatives par des fractions majoritaires de la bourgeoisie denrôler lappui populaire pour vaincre la résistance bourgeoise oppositionnelle à laffaire. Il ny avait pas de raison pour laquelle lattitude de la classe ouvrière aurait dû être différente du tout dans un tel cas: les travailleurs ne doivent appuyer ni la politique de la majorité ni celle de la minorité dexploiteurs. Avec un raisonnement semblable à celui du Secrétariat unifié, Workers Vanguard affirme que Maastricht représentait une stratégie consciemment anti-ouvrière:
Ceci est tout vrai, mais il est également vrai que lopposition bourgeoise au traité a été menée par des individus non moins hostiles aux travailleurs. Workers Vanguard admet autant lorsquil a noté que le social-démocrate de gauche Chevènement (suivi politiquement par la LCR pabliste) avait un « programme dautarcie économique et de finance inflationniste qui ne réduira pas le chômage une miette... ». Largument de résonnement le plus militant développé par les robertsonistes était quune défaite pour Maastricht infligerait un coup aux souverains actuels et pourrait déclencher des luttes de la classe ouvrière. Le numéro de septembre 1992 de leur journal français, Le Bolchévik, proclame : « nous appelons pour un vote de non... sachant quune victoire du non, en affaiblissant un petit peu ce régime anti-ouvrier, anti-immigré et antisoviétique, ouvrirait une brèche à lavantage de la classe ouvrière ». [notre traduction de la citation de Workers Vanguard] Lidée que les révolutionnaires doivent automatiquement voter « non », dans lespoir d« affaiblir » le gouvernement capitaliste existant et d« ouvrir une brèche » est étrangère au marxisme. Les révolutionnaires nont pas dintérêt dans la déstabilisation en soi. La question est, qui bénéficierait dun tel développement? Dans une situation où la classe ouvrière est à loffensive, et les capitalistes sont sur le défensif, « ouvrir une brèche » peut être un pas important vers un défi ouvert à la bourgeoisie pour le pouvoir dÉtat. Mais en France au moment actuel le bénéficiaire principal le plus probable dune telle « brèche » est le Front National de Le Pen. Entre impérialistes il ny a pas de « moindre mal »Le référendum de Maastricht a eu lieu contre larrière-plan plus large de la destruction de lUnion soviétiqueune défaite historique majeure pour la classe ouvrière. La vaste majorité douvriers, qui avait identifié le socialisme au stalinisme, a conclu de la chute du stalinisme que le socialisme même a fait faillite. Un corollaire à cecipoussé constamment par les moulins de la propagande capitalisteest que les ouvriers nont pas dintérêts historiques ou dobjectifs indépendants de ceux de leurs classes dominantes. Il est dune importance cruciale en cette période dinoculer des éléments prolétariens les plus conscients de leurs intérêts de classe contre de telles suppositions paralysantes. Celui-ci était le danger principal affrontant la classe ouvrière dans le référendum de Maastrichtun danger qui le rend doublement impératif de prendre une position dopposition révolutionnaire dure à toutes sections de la classe dominante. A lencontre du réformisme, nous nentreprenons pas de fournir des propositions positives à nos classes dirigeantes sur comment le mieux faire avancer le « intérêt national ». Nous soutenons les intérêts des opprimés, et cherchons à organiser lopposition à toute mesure capitaliste qui affecte de façon défavorable les opprimés et les exploités. Les révolutionnaires sopposent à chaque tentative dempoisonner la classe ouvrière avec le nationalisme et le protectionnisme parce que de tels sentiments entrecoupent la conscience de classe, qui ne peut être quinternationaliste. Cependant nous ne plaidons pas en faveur du « libre échange », ni prenons-nous position sur comment les capitalistes doivent arranger leur balance de paiements, les termes déchange ou les fluctuations monétaires. Nous revendiquons ni un dollar/livre/mark/yen fort ni faible, ni un retour au standard de lor, ni les taux déchange standards ou flottants. Ceux-ci demeurent des disputes entre bourgeois et nous devons suivre les conseils de Hilferding tel que cité par Lénine dans lImpérialisme, Stade Suprême du Capitalisme : « La réponse du prolétariat à la politique économique du capital financier, à impérialisme, ne doit être ni le libre échange ni le protectionnisme mais le socialisme ». Workers Vanguard fait lobservation que : « Dans le court terme, la chute du projet de Maastricht favoriserait politiquement lAmérique, qui peut jouer plus facilement les bourgeoisies européennes lune contre lautre. Mais même si limpérialisme allemand sort...plus capable dimposer sa volonté économiquement (et militairement), celui-ci signifierait non pas une époque dharmonie et de prospérité mais la guerre inter-impérialiste », [notre traduction] Un point bien dit, mais un qui saccorde à peine avec le plaidoyer en faveur dun vote « non » (ou un « oui »). Si Maastricht sécroule, les États-Unis gagnent; sil continue sans recul, le capital allemand bénéficiera; donc lequel des deux résultats les travailleurs doivent-ils favoriser, celui qui bénéficie à limpérialisme allemand ou celui qui bénéficie à limpérialisme américain? Le traité est une tentative à mieux équiper le capital européen pour rivaliser avec lAmérique du Nord et le Japon. Les marxistes dénoncent la rivalité économique inter-impérialiste comme un précurseur aux hostilités militaires. Mais la défaite de Maastricht, ou même la disparition de la CE, ne terminerait pas de telles rivalités. Il changerait simplement le terrain pour les conflits les plus tranchants à un niveau intra-européen. Un ou lautre pouvoir forgera tôt ou tard une alliance avec les États-Unis ou le Japon, obligeant ses concurrents régionaux de chercher la protection dans un autre bloc. Nous nous opposons à limpérialisme, et nous nous opposons à chaque manifestation de son caractère socialement réactionnaire, mais celui-ci ne veut pas dire que nous souhaitons voir la classe ouvrière tirée dans les discussions au sujet de quelle alliance serait la plus avantageuse pour « ses » souverains. Dans un sens historique nous sommes en faveur de lintégration globale économique mais reconnaissons quelle ne peut pas être accomplie dans un sens progressif sous limpérialisme. L« Assemblée constituante européenne » de la LICRLa Ligue pour une Internationale communiste révolutionnaire (LICRdirigée par le groupe britannique Workers Power) a publié une déclaration sur Maastricht dans leur Trotskyist Bulletin (no 2, novembre 1992) qui a projeté qu « à lintérieur dune décennie » le mouvement représenté par Maastricht « peut signaler la création dun super-État fédéral impérialiste européen ». A la lumière de ce qui est arrivé depuis que ces mots ont été écrits, les auteurs souhaitent probablement quils aient été un peu plus prudents. Mais à lencontre du Secrétariat unifié ou les robertsonistes, le LICR a au moins réussi à cerner la ligne de fond correctement avec son appel de voter contre les deux camps bourgeois. La position de la LICR sur Maastricht est toutefois gâtée par la présentation de la revendication suivante: « Pour lélection dune Assemblée Constituante européenne souveraine pour tous ces pays dans la CE ou qui cherchent à lui joindre, convoquée et protégée par les organisations de combat de la classe ouvrière ». La demande pour une « Assemblée constituante Européenne souveraine » peut convenir aux socialistes « little-England » comme Tony Benn, qui peuvent utiliser la demande comme couvert internationaliste. Mais pourquoi les révolutionnaires supposés promouvraient-ils un tel slogan? Les marxistes font appel pour une assemblée constituante afin de concentrer la résistance populaire aux dictatures bonapartistes, et pour mobiliser les masses dans une tentative à tourner la lutte pour la démocratie bourgeoise dans une direction révolutionnaire. Mais il ny a pas de connexion entre la convocation dune Assemblée constituante européenne et la création dun gouvernement ouvrier européen. Seulement les opportunistes peuvent prétendre que le sentiment actuel pour une seule Europe est une coquille vide qui peut être remplie avec nimporte lequel contenu social ou de classe quon veut. Peu importe la manière tactique de son introduction, lappel pour une assemblée constituante en Europe se réduit à un appel pour la création dune institution « convoquée et protégée par les organisations de combat de la classe ouvrière » pour promouvoir les États-Unis capitalistes dEurope. Le projet dune Europe capitaliste unie appartient exclusivement à la bourgeoisie, tout comme la défense des prérogatives dEtat-nations impérialistes. Les divers alignements internationaux des pouvoirs impérialistes sont réactionnaires au fond, et aucun bavardage centriste peut extraire un contenu « révolutionnaire» dune tactique basée sur les illusions dans lharmonisation paisible de la concurrence inter-impérialiste. La revendication de la LICR nest par conséquent non simplement utopique, elle est utopique réactionnaire, dans la mesure où elle promouvra lillusion réactionnaire que cette intégration européenne selon les termes capitalistes peut avoir un contenu progressiste. Luttons pour le socialisme!Les questions posées par le Traité de Maastricht sont dune importance critique afin de définir la politique révolutionnaire à lépoque post-soviétique. La question russe comme nous lavons connue sera moins une pierre de touche de la politique révolutionnaire, mais par contre prendra sa place en chef de file des expériences historiques du prolétariat, avec la Commune de Paris, la Révolution allemande de 1918 et la guerre civile espagnole. Elle restera lexemple historique décisifle plus-haut point atteint de nos jours par le mouvement ouvrier internationalet un qui retient des leçons incomparables pour les révolutionnaires. Mais elle ne sera pas directement impliquée dans le calcul de chaque question de politique globale, comme par le passé. Les questions posées par les rapports entre nos « propres » souverains impérialistes et leurs rivaux sont par conséquent plus clairement centrales maintenant à la politique révolutionnaire quauparavant. La course entre la conscience prolétarienne et le prochain rond de conflits impérialistes déterminera le futur de lhumanité. La conscience prolétarienne peut sembler perdre la course. Les éléments essentiels de la situation actuelleun ralentissement économique, lexplosion de haines ethniques et nationalistes, la rivalité croissante entre les nations capitalistes et les blocs impérialistessont largement familiers des situations précédentes entre les deux guerres mondiales. Un ingrédient toutefois manque: un prolétariat socialiste et militant. En dépit de la désindustrialisation en Amérique du Nord et en Grande Bretagne, et la croissance du secteur tertiaire, la classe ouvrière retient toutefois encore le poids social organisé et le pouvoir économique pour diriger tous les opprimés dans un assaut réussi contre lordre social existant. La dispersion du développement industriel dans les anciennes colonies et néo-colonies augmente vastement la dimension internationale et le poids social de la classe ouvrière. La composition du prolétariat dans les centres impérialistes stratégiques change aussi, mais sa conscience de classe et sa volonté politique ont été érodés par les trahisons innombrables des staliniens et sociaux-démocrates, aussi bien que par les illusions créées par la prospérité relative des décennies daprès-guerre. Mais il est précisément ce standard de vie accoutumé daprès-guerre qui est sous attaque partout dans les pays impérialistes aujourdhui. Pour riposter, la classe ouvrière a besoin de la théorie et lentraînement politique le plus avancé que lhistoire de la lutte de classe peut fournir. Cette théorie et entraînement politique le plus développé est toujours le marxisme, peu importe son impopularité temporaire due à une identification fausse avec le stalinisme. La classe ouvrière découvrira le marxisme de nouveau, mais seulement si ses prémisses de basela première parmi elles lindépendance politique de la classe ouvrièresont gardées jalousement contre la pression implacable de la réaction bourgeoise à lépoque du déclin capitaliste. |